Dans ce document, je reviens sur la Conférence d’Entente Nationale (CEN). Mon analyse se veut constructive et s’inscrit dans une logique d’évaluation, de constats et de propositions pour un meilleur ajustement dans le futur. Les acteurs conccernés devraient à mon avis mettre davantage en avant une réelle logique « participative » et « inclusive » et faire valoir le débat.
Dans Beaucoup de « choses » ont été dites, beaucoup de personnes se sont exprimées, beaucoup de peur se sont exprimées, beaucoup d’enjeux se sont exprimés, beaucoup d’acteurs étaient là mais pas tous.
L’absence de certains acteurs est d’ailleurs problématique notamment celle de certains groupes armés. Mais alors au-delà de ces absences importantes, que retient-on de conférence « arrivée » en retard par rapport au texte des accords[1]?
On peut retenir que dans le texte des Accords pour la Paix et la Réconciliation au Mali, cette conférence paraissait comme une étape fondamentale. Elle devrait permettre de décliner une nouvelle charte pour la paix. Le texte cite qu’une « Charte pour la Paix, l’Unité et la Réconciliation nationale sera élaborée, sur une base consensuelle, en vue de prendre en charge les dimensions mémorielle, identitaire et historique de la crise malienne et de sceller son unité nationale et son intégrité territoriale »[2].
En partant de cette référence, on peut comprendre, qu’il y a eu des manquements à plusieurs niveaux dans l’opérationnalisation du processus. En premier lieu, un des manquements importants, souligné par une certaine catégorie d’acteurs, c’est la date. A ce titre, la date de tenue de la conférence a été fixée dans une temporalité courte.
Des remarques sur la forme de la demarche
La forme de l’organisation de cette conférence est mise en cause à différents niveaux. A l’échelle décentralisée, certaines assemblées régionales ont eu du mal techniquement et politiquement à porter entièrement le projet. Ces difficultés se sont d’ailleurs traduites par des lacunes importantes dans l’organisation alors que certaines de ces lacunes pouvaient être évitées.
Les groupes, associations, collectifs et mouvements invités au niveau régional ont été les mêmes que d’habitude. Pour la région de Gao, il y a eu à titre d’exemple, les représentants et représentantes d’associations de femmes, de jeunes des cercles de Gao, de Bourem et d’Ansongo.
Dans les circonstances actuelles du Mali, il semblait important de prendre en compte les populations pour deux raisons principales. La première, les groupes, collectifs et associations précités ne représentent pas la diversité des positions. La deuxième, c’est le caractère obsolète de certains groupes, collectifs et associations.
Une grande partie de ces mouvements n’ont pas une gouvernance démocratique, transparente et inclusive. Des éléments essentiels pour juger de la capacité des ces groupes à faire remonter la réalité des opinions et des positions.
Une autre difficulté lié à une sorte de « corruption » s’ajoutte à ces questions de gouvernance et de représentativité.Certains de ces mouvements sont touchés par des pratiques pouvant être interprétées comme corrompues. L’existence de ces mouvements est salutaire dans l’état actuel du pays, mais ces mouvements seuls ne peuvent en aucun cas représentés toutes les populations concernées par les problématiques actuelles.
Un souci d’échelle de participation
L’organisation de cette conférence aurait pu être l’occasion de varier les échelles de participation. Cependant, l’échelle régionale a été techniquement le premier niveau de participation. Dans l’idée de profiter amplement de cette démarche, on aurait pu être dans une démarche au niveau des villages, des communes puis des cercles. Ce, en mettant en place à priori ou pour l’occasion de réels organes de participation pouvant permettre des débats de fond dès la source.
Cette démarche supposait des plus-values. Elle aurait pu permettre de libérer réellement la parole, recueillir des idées originales et « sincères » dans la façon dont elles sont amenées. Cette participation à un niveau encore plus infra aurait pu également permettre de se situer dans une démarche de représentativité tant au niveau des populations qu’au niveau des « paroles dites ». Ainsi, il semble certain qu’avec un tel cheminement, les participants et acteurs allaient se sentir beaucoup plus concernés.
La méthode aurait pu être amenée avec beaucoup plus de pédagogie et plus de participation. Elle allait certainement donner plus de consistance et plus de légitimité à une « éventuelle charte ». D’autant plus que cette conférence visait « un débat approfondi entre les composantes de la Nation malienne sur les causes profondes du conflit »[3].
Parmi les acteurs absents à cette conférence, il y a également la diaspora. Deux éléments essentiels sont à mettre à l’avant à ce niveau. Les organismes consultés « censés » représentés la diaspora ne représentent pas la diaspora dans sa diversité. Il y a, là encore, un « souci » de représentativité. Dans la continuité de cette même idée, il faut retenir de plus qu’il n’ya pas « une diaspora » malienne, il y a les maliens installés en France, les maliens installés en Allemagne, en Espagne. Il était ainsi préférable de tenir compte de la diversité.
Quid des moyens et de la faisabilité avec une telle méthode d’ « inclusion »
A ce niveau, il convient de noter tout d’abord que ces lacunes, évoquées précédemment, étaient certainement, parmi d’autres, les plus importantes qui étaient à éviter. La logique participative était au centre de ce processus de paix et elle l’est encore, car le processus n’est pas clos. On pourrait ainsi noter une certaine frilosité de l’Etat face à l’idée d’une participation réelle et étendue mais pourquoi ?
Certaines raisons sont certainement détenues par l’Etat. Cependant, pour certains, il y a une question de moyens pour élargir la participation mais également une question de faisabilité. C’est là, l’argument de ceux qui sont proches du gouvernement. Pour d’autres, il y a eu un manque de volonté et de rigueur de la part du gouvernement pour faire aboutir réellement une telle démarche d’inclusion des diverses parties. Ces derniers iront même jusqu’à se demander si cette volonté était présente.
Pour notre part, des questions importantes se posent. Le gouvernement avait-il les moyens financiers, techniques et humains adéquats pour mener une démarche élargie de participation ? Une telle démarche était-elle faisable sur tout le territoire étant donné les diverses problématiques ?
Ce sont là les questions qui sont en substance importantes sur lesquelles le gouvernement devrait se pencher.
Une telle conférence dans une ambiance de tensions sociales
Pendant toute la durée de cette conférence, les acteurs présents ont pu constater en dehors des débats que les hôpitaux étaient paralysés par des grèves illimitées qui continuent encore.
Après presque quatre semaines de grèves pour certains syndicats, les revendications continuent et ne se limitent pas uniquement au secteur hospitalier mais également à d’autres secteurs clés comme l’enseignement, justice ou encore le secteur de la santé.
L’après-conférence : des préconisations attendues par certains
On peut constater que les préconisations sont attendues par certains acteurs mais pas d’autres. Ceux qui attendent des retours de cette conférence attendent des préconisations allant dans le sens d’un réel processus de paix et d’une réelle volonté de toutes les parties pour aller vers une entente et un processus de développement.
Ceux qui ne sont pas dans l’attente après cette conférence sont de trois types. Il y a d’une part ceux qui étaient contre la tenue d’une telle conférence, ceux qui sont déçus par l’organisation et enfin ceux qui sont déçus après la conférence.
Parmi les déçus, il y a ceux qui s’étaient exclus de cette conférence. Pour autant, il faut relativiser le débat autour de la tenue de cette conférence. Au-delà des manquements divers et variés, il faut tout de même saluer la tenue de cette conférence. Elle a permis à certains d’exprimer leurs peurs, les enjeux personnels, sans oublier certaines polémiques autour l’appellation « Azawad ».
[1] « La dimension socio-politique des crises cycliques qui ont jalonné le Septentrion malien nécessite un traitement politique. A cet égard, une Conférence d’Entente Nationale sera organisée durant la période intérimaire… ». Page 4 des accords
[2] Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, Page4
[3] Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, Page4