Si on veut réellement que la jeunesse puisse avoir un impact sur les politiques publiques et sur la décision politique tout court, alors il faut réformer la jeunesse en la définissant techniquement et en termes de tranches d’age plus pertinent et travailler réellement sur l’objectif d’une autonomisation des jeunes sur le continent.
Une tranche d’âge beaucoup trop large
La charte de l’union africaine à laquelle les États signataires font référence, détermine l’âge de la jeunesse entre 17 et 35 ans.
Une tranche beaucoup trop large. D’autant plus qu’un rapport de l’OIF de 2016 sur la « situation des jeunes de l’espace francophone » mentionne que les jeunes de moins de 35 ans représentent entre 75 et 80 % de la population en Afrique subsaharienne, avec un pic au Burkina Faso.
Avoir 80 % de sa population âgée de moins de 35 ans signifie pour un État que la tranche d’âge de 17-35 ans pour définir la jeunesse n’est pas bonne. Cette tranche ne permet pas de distinguer les périodes de vie actuelle afin de fournir des politiques adéquates. Il semble nécessaire aujourd’hui de scinder pour mieux décider.
Les jeunes de 17-21 ans en Afrique connaissent des problématiques précises liées à la tranche d’âge, ceux de 21-25 ans également. Les jeunes de 25-30 ans sont selon les données disponibles les plus précaires.
Si pour chacune de ces tranches d’âge, il n’y a pas de politiques jeunesses adaptées, on risque de se dire à chaque fois que l’on traite la question de la jeunesse sans réellement avoir des résultats.
La tranche d’âge de 17-35 ans n’est donc pas une tranche pertinente aujourd’hui. Elle mérite d’être réformée au niveau des États et au niveau de l’union africaine pour éviter des politiques publiques non précises et non performantes.
Réformer la jeunesse et l’ajuster en rapport avec les données actuelles
L’Afrique subsaharienne est jeune mais d’enfants et de moins de 25 ans majoritairement. Les études récentes de la commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et de la Banque africaine de développement (BAD) précisent que les jeunes de moins de 25 ans représentent 34% de la population en Afrique de l’ouest. Et c’est bien cette catégorie d’âge qui est durement touchée par le chômage et les problématiques récentes de radicalisations. Car en fin de compte, elle ne accède difficilement à l’éducation, aux soins et à l’emploi.
Au niveau des données générales africaines, les jeunes de 17-25 ans sont largement majoritaires dans cette tranche d’âge 17-35 ans (analyse personnelle des données de la CEA et de la BAD).
Par ailleurs, si cette proportion majoritaire de ce qu’est appelé la jeunesse n’est ni en voie d’autonomisation ni en voie de participation réelle et effective à la vie publique, il y a un problème profond auquel les États doivent se préparer. Cependant, il semble judicieux de ne pas laisser le problème venir dangereusement car pour le contenir ce sera très difficile.
Des pays comme le Mali, le Burkina et le Niger sont aujourd’hui dans cette situation. Il faut donc rapidement reformer ce qu’est la jeunesse et mettre les moyens adéquats à profit afin d’éviter l’éclatement d’une bulle qui sera difficile à contenir.
Au niveau de la prise d’initiative : le règne des « seniors » continue
Dans les associations, les parties politiques, les syndicats qui arrivent à faire écho, on préfère encore les plus âgés pour juger de la direction. Ceux, décrits comme jeunes ont peu de marge de manœuvre pour participer réellement ou prétendre à diriger. Ils préfèrent donc être à l’affût des opportunités que les plus âgés offrent. Et les jeunes dont il est question ici sont essentiellement ceux de 30 ans et plus. Les autres doivent attendre.
Cela pouvait se comprendre encore, il y a quelques années mais aujourd’hui avec les données disponibles si le continent ne prépare pas sa jeunesse au relais, il risque de perdre le savoir et le relais tout simplement. Car il ne s’agit pas uniquement de faire participer les jeunes réellement à l’analyse, à la gouvernance et la décision. Mais également d’arriver à transmettre aux jeunes l’expérience d’un savoir-faire propre au continent.
La nécessité d’inventer des organisations pour les jeunes
Dans une citation attribuée à John Rawlings, ancien président de la République du Ghana, on lire ceci : « Nous allons mettre en place des institutions si fortes que, même si le diable en personne arrivait au pouvoir il lui sera impossible de faire ce qu’il veut. Le dernier mot reviendra toujours au peuple ghanéen ».
Cette problématique d’institutionnalisation des organisations qui existait jusque dans les années 2000, heureusement, a évolué dans certains États, notamment ceux de l’Afrique anglophone, au niveau de l’appareil d’État.
Cependant, globalement, les organisations de luttes pour les droits ont du mal à s’instituer et à se pérenniser.
Ce constat est valable donc pour les organisations de jeunes sur le continent. En dehors des cas spécifiques comme l’Organisation Démocratique de la Jeunesse du Burkina Faso, les organisations de lutte au niveau de la jeunesse peinent à exister.
Il reste tout de même à cette jeunesse de s’atteler à instituer des organisations fortes pour revendiquer et négocier des droits.