L’aboutissement ou pas de la stratégie nationale et internationale de gouvernance territoriale en République du Mali pourra se vérifier après les élections législatives et la rentrée parlementaire prévues pour les premiers mois de 2019.
Cet article est une suite du précédent.
Une nouvelle phase dans la décentralisation du pouvoir et la déconcentration des services de l’État
Le récent projet de loi, ayant fait l’objet d’une « fuite rusée », portant sur la décentralisation et les mesures réglementaires précédentes sur la réorganisation administrative du territoire vont aujourd’hui dans le sens de la reconnaissance d’une plus grande autonomie administrative pour les vingt (20) régions figurant dans le document.
Cette dimension de la réorganisation pose moins de questions dans la mesure où cela sonne effectivement « normale » au regard de l’extrême extension du territoire malien. Comprendre par là, qu’il y a une volonté de permettre une déconcentration des services administratifs. Et une volonté de permettre aux services déconcentrés de l’État ainsi qu’aux services décentralisés de prendre des décisions administratives de façon efficace. Mais est-ce bien le cas ?
Quid de l’effectivité de la déconcentration et le risque de l’échec
Cette proposition législative pose encore une fois un « acte » symbolique sinon dans le meilleur des cas, politique. Et de ce fait, elle n’est pas précise. Elle ne fait pas référence à une logique de déconcentration des services de l’État. On ne voit pas comment et quand l’État va procéder pour installer au niveau local les services concernés par la mesure.
Après la précédente phase de décentralisation ayant conduit à la création des régions de Ménaka, Taoudenie, il y a eu la même problématique de lisibilité, et elle n’est toujours pas résolue.
Ainsi à ce manque de lisibilité dans la philosophie de la mise en œuvre de cette proposition loi, s’ajoute la question des ressources humaines et des moyens techniques et financiers.
Où sont les ressources humaines qui vont conduire à la mise en œuvre opérationnelle de cette mesure ? Quelle est la stratégie de mobilisation de cette ressource ? Également, où se trouvent les ressources techniques et financiers ?
Il reste certain qu’en l’absence de réponses lisibles, précises et inscrites dans une temporalité, cette mesure est vouée à être obsolète.
Pourquoi ce « morcellement » ? : L’hypothèse d’une réalisation des suspicions de scission
Avec cette proposition législative, le pays se diviserait en vingt (20) collectivités territoriales de régions et quatre-vingt-dix-sept (97) collectivités territoriales de cercles.
Pour les pros-décentralisation, il s’agit d’une réelle victoire sur le papier, car avec cette réorganisation, la carte du pays aura une autre forme ; comme voulu par plusieurs communautés territoriales après les revendications touarègues.
Cependant, pour les avant-gardistes, il s’agit d’une énième confirmation sur la suspicion d’une volonté de scission du territoire en attente.
On constate alors, en restant sur cette hypothèse que les régions du nord sont passées à trente-une (31) collectivités de cercle pour seulement cinq (5) régions. Alors même que deux de ces régions (2) étaient restées jusque-là « non opérationnelles ».
Pour ces avant-gardistes, il s’agit d’un « morcellement » qui n’est autre qu’une nouvelle étape avant une scission.
L’après législative ou l’attente d’une nouvelle donne nationale
Après les législatives prévues jusque-là pour le premier trimestre 2019, la forme et les tendances politiques qui animeront le parlement donneront beaucoup d’informations sur la suite de cette décentralisation.
Quel qu’il en soit après ces élections législatives, il y aura une nouvelle donne politique et idéologique. Maintenant, il restera à savoir si cette donne est plutôt bénéfique pour une décentralisation effective, une déconcentration des services centraux, une idéologique unitaire de l’État ou une scission.
La question fondamentale est bien entre ces lignes. Car si après ces élections, le statu quo politique et idéologique sur la gouvernance locale persiste, il ne faudra prévoir aucun changement pour les cinq prochaines années. Et on se dirigerait alors vers une accentuation du sentiment d’abandon, de l’isolement identitaire, du manque d’audace politique et de la défiance envers l’État central.
Et encore une fois pour y arriver, l’accord ne suffit pas, l’État va devoir compléter l’accord en concertation et cela prendra du temps et demandera des moyens techniques et financiers.