Les pays du Sahel et les populations doivent se concentrer sur l’essentiel, et garder à l’esprit qu’ils ne pourront pas tout gérer seuls.
La critique fuse de partout ou presque sur la présence française au Mali. On s’y perd facilement entre certains responsables politiques, qui profitent de l’occasion pour tirer à l’extrême le problème, et un peuple en souffrance, en attente de meilleures réponses face aux enjeux socio-économiques et de stabilisation des territoires.
Il a été demandé aux gouvernants des pays du Sahel de préciser leurs positions quant à la présence des forces françaises sur leur territoire. Même s’il y a de la part du président français une « erreur » dans la façon de les inviter à Pau, la demande reste légitime. Cette force militaire est présente sur les sols sahéliens avec l’accord de gouvernants sahéliens : elle existe donc parce qu’il y a un contrat entre ces pays et la France. Si la présence de cette force ne satisfait plus, il faut le dire en respectant les règles contractuelles et renégocier, s’il le faut, mais surtout avancer.
Rester lucide
Notre monde n’est pas aussi simple que certaines voix, au Sahel, voudraient le faire croire. Chaque État a ses propres enjeux et devra défendre ses propres intérêts. L’amitié entre les peuples existe bel et bien et est nécessaire à l’humanité. Mais les intérêts d’État priment et primeront dans les coopérations tant que l’on restera dans la dynamique insufflée par le libéralisme et son corollaire, la mondialisation. Cela ne changera pas demain, donc il faut rester lucide.
Ainsi, il y a clairement une question qui se pose aux Sahéliens : que-veulent-ils concrètement ? Cette question doit être répondue par les Sahéliens pour leurs propres intérêts. Les accusations contre la France dans ses relations avec les cinq pays du Sahel ne sont pas simples. Quand la France demande, à son tour, aux États sahéliens de préciser ce qu’ils veulent, c’est déjà dommage. Parce qu’à mon avis, les cinq pays du Sahel auraient pu prendre de l’avance en disant à leur partenaire ce qu’ils veulent.
Ces États se doivent de répondre, car il s’agit d’un contrat, donc d’un engagement international. Qu’est-ce qu’on pensera d’un État qui, dans le concert des nations, ne respecte pas ses engagements internationaux ? La logique reste la même : c’est de la collaboration. Si la collaboration n’intéresse plus ou semble être affectée par des éléments nouveaux ou non prévus, les États ont le droit de dire que la forme ne leur paraît plus correspondre. Mais en gardant en tête que leur collaborateur a aussi des intérêts et peut s’exprimer à son tour.
Le danger populiste
Le populisme est en train de gagner du terrain au Sahel. Il prend la place du pragmatisme nécessaire dans de telles circonstances de doutes et d’incertitudes. Tout semble aller vite, très vite. La sagesse voudrait que l’on décélère la cadence pour faire le moins d’erreur possible. En termes de gouvernance interne, il reste beaucoup à faire. Il faut donc se recentrer sur l’essentiel et éviter de se faire amener par une vague populiste. Le Mali n’a pas besoin d’autres crises, surtout diplomatiques. Le timing n’est pas bon. Il est important de se ressaisir et de résoudre les crises par ordre de pertinence.
Le pays fait face à une crise territoriale qu’il faut résoudre rapidement. L’administration est absente dans plusieurs endroits stratégiques du pays, les agents des collectivités, dans certaines zones, n’ont pas été payés depuis 2012. Certaines régions sont exposées à la famine et à la malnutrition. Il faut également trouver une manière de mieux gouverner sur l’ensemble des territoires du pays, fluidifier les communications terrestres (Bamako et Gao ne sont pratiquement plus liées par voie terrestre). De plus, il faut également lutter contre la corruption et la délinquance urbaine. Le Mali ne pourra pas résoudre tout cela tout seul.
Nouvelles décisions
Oui, il faut éclaircir les relations entre le Mali et la France dans le conflit actuel. C’est, semble-t-il, ce qu’a dit le président français et c’est également ce que semblent vouloir les Maliens et les Sahéliens. Alors, qu’y a-t-il de problématique ? Se concentrer sur l’essentiel, c’est garder essentiellement en tête que le fond de ce qu’a dit le président français au sommet de l’OTAN est pertinent et donne une occasion à tous de mettre les choses à plat, et reprendre de nouvelles décisions, beaucoup plus appropriées.
Si le Mali le désire, il peut prétendre au départ de la France, c’est légitime. Mais il faudrait que le Mali se prépare à l’arrêt d’un certain nombre de collaborations bilatérales et multilatérales. Certains pensent certainement que le départ hypothétique de la France du Mali et du Sahel arrangerait tout. Ce n’est pas forcément vrai. Le Mali perdra réellement en termes d’équilibre à plusieurs niveaux, s’il y a rupture avec la France.
Sérénité et pragmatisme
La sérénité doit prendre le dessus rapidement sur les sentiments de haine et de désamour dans la collaboration avec la France. S’exprimer est un droit fondamental et universel. Mais s’exprimer dans le sens de l’intérêt de son pays, c’est encore mieux et responsable. Ceux qu’on appelle les « populistes » et qui réclament la fin de la présence militaire française ne pourront pas aider le Mali, sinon à sombrer dans les enfers, comme ce fut le cas chez certains voisins et sur d’autres continents. Le peuple malien doit être guidé non pas par des « populistes », mais par des gens avertis des réalités de notre monde et de ses règles. Et nos décisions doivent être en adéquation avec les principes fondamentaux, mêmes informelles, de notre monde si on désire exister. Ceux qui s’opposent à ces règles ne permettront pas le développement de leur pays. Ils accentueront les crises internes et problématiques de collaboration internationale.