La guerre en Ukraine est entrain de créer un grand basculement dans la géopolitique des Etats du monde. Entre méfiance et jeu d’alliance, les Etats se divisent, s’opposent et parfois par le ton employé, les puissances se menacent. Qu’est-ce qui se joue concrètement sur la scène internationale ? Une guerre civilisationnelle ou la tentative de construction d’un nouvel ordre mondial ?
En effet, depuis une année déjà, la Russie est engagée dans une guerre en Ukraine qui n’a que trop duré. Au départ, nombreux sont les observateurs qui estimaient que cette guerre allait être de courte durée tant les rapports de force semblaient, de toute évidence, à l’avantage de la Russie. Cependant, les jours se succèdent, les semaines et les mois passent, et au bout d’une année déjà, les certitudes sont désormais bousculées : cette guerre va plutôt durer !
Face à ce risque de prolongement de la guerre, les protagonistes directs (Ukraine et Russie) ne cessent d’accroitre leur périmètre d’alliance. Pendant que les Occidentaux sous le leadership des Etats-Unis (USA) s’affichent comme alliés indéfectibles de l’Ukraine dans cette guerre, la Russie, elle par contre, essaie de mobiliser tout un arsenal diplomatique pour renforcer son éventail d’alliance sur la scène internationale. Et c’est peut-être là d’ailleurs, c’est- à-dire sur le terrain géopolitique, que tout devra se jouer dans les mois à venir.
LA CHINE, L’INDE…, LES ALLIÉS DE MOSCOU QUI FERONT PEUT-ÊTRE LA DIFFÉRENCE
Dans le contexte actuel où la victoire russe demeure jusqu’ici impossible sur le théâtre des opérations eu égard à la résistance remarquable des ukrainiens, Poutine a fait le choix d’engager une diplomatie offensive. Cela s’est traduit récemment par la tournée en grande pompe du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, en Afrique où il a laissé entendre que la Russie est prête à appuyer les Etats du Sahel et de la Golf de guinée à lutter efficacement contre le terrorisme et l’insécurité en général. Ce rapprochement diplomatique de la Russie avec les
Etats africains fait suite au choix réaliste de ces derniers à observer une posture de neutralité aux Nations Unies (ONU) lorsqu’il a été question de sanctionner la Russie au Conseil des Droits de l’Homme.
Toutefois, s’il est vrai que le soutien des Etats africains peut être décisif au sein de l’Assemblée générale de l’ONU où les décisions et ou recommandations sont prises sur la base du vote des Etats membres qui disposent chacun d’une seule voix ; soulignons que la Russie ne voit pas en réalité en ces Etats africains des alliés de poids pouvant changer la donne sur le théâtre. Raison pour laquelle Poutine s’active pour intensifier ses rapports avec la Chine et l’Iran qui peuvent être des alliés de taille en termes de fourniture d’armes et de munition. La semaine dernière le président iranien Ebrahim Raïssi, s’est rendu en Chine où il a été reçu de
manière cérémoniale par son homologue chinois Xi Jinping qui lui-même est attendu à Moscou dans les prochains jours.
Cette alliance tripartite Russie-Chine-Iran pourrait avoir un impact décisif sur le cours des évènements d’autant plus que, chacun d’entre eux a manifestement une ou plusieurs raisons à s’opposer aux USA géo- stratégiquement. Qualifié de « rock state » (Etat voyou) par les USA, l’Iran fait face à de rudes sanctions économique et financière américaines depuis plus d’une dizaine d’années. Quant à la Chine, elle reste opposée aux USA principalement sur la question de Taiwan et également pour la course de la première puissance économique du monde. Ainsi, soutenir la Russie dans cette guerre en Ukraine ne ferait que réconforter la Chine et l’Iran dans leur statut « d’opposants » des USA sur la scène internationale.
BRICS, UNE AUTRE CARTE POUR LA RUSSIE
Considérés comme étant les acteurs du nouvel ordre mondial, les BRICs constituent aujourd’hui un géant économique majeur dans le jeu de la mondialisation. Il s’agit d’un regroupement d’Etats émergents qui ambitionnent de peser sur les grandes décisions du monde en conjuguant leurs efforts. Il s’agit nommément du Brésil, de la Russie, de l’Inde et la
Chine. A eux seuls, les BRICs représentent plus de 40% de la population mondiale. Ce qui est énorme en termes de représentativité et de potentialité économique. Face à cet atout important sous la main, Poutine semble être confiant dans son projet de renversement de l’hégémonie occidentale à l’échelle mondiale.
Néanmoins, ce qu’il faut craindre après tout, c’est le recul des valeurs occidentales telles que la liberté et la démocratie au profit de l’autocratie et de la dictature. On sait bien évidemment que la Chine ou encore le Brésil ne sont pas vraiment des modèles de démocratie où les libertés individuelles et collectives sont véritablement respectées. Il en est de même pour la république islamique d’Iran qui milite aujourd’hui pour son adhésion aux BRICs et dont la candidature est soutenue à ce jour par la Chine. On se souvient d’il y a juste quelques mois de la condamnation à mort de cette jeune fille iranienne pour avoir ôté publiquement son foulard. Il faut donc craindre des dérives autoritaires similaires à l’avenir à une échelle bien plus grande si jamais la Poutine arrive à renverser l’ordre mondial actuel.
Ballan DIAKITE, Politologue.