A ce jour le Burkina Faso fait face à un dilemme. Il s’agit de préserver la notion de liberté et de sécurité au sein d’un Etat constamment exposé à la menace terroriste au regard des attaques quotidiennes sur le territoire et le nombre de morts qu’elles provoquent.
C’est face à cette réalité que le gouvernement de transition prétend prendre des mesures draconiennes afin d’endiguer définitivement ce fléau. Sauf que, toutes ces restrictions ne sont pas vu d’un bon œil par les partis politiques, une partie de la société civile, les ONG protectrices des Droits de l’Homme et quelques observateurs internationaux.
Enfin, les entreprises minières étrangères ne sont pas exemptées des mesures qui vont dans le sens de la lutte anti- terroriste.
UN COUVRE-FEU D’UN MOIS INSTAURÉ DANS PLUSIEURS PROVINCES
Dans un premier temps, les autorités ont jugé opportun de procéder à l’instauration d’un couvre dans la région du Nord frontalière du Mali et les provinces du Koulpelogo et du Bam, afin à faciliter les actions des forces armées contre les terroristes. Ces données sont vérifiables dans les notes officielles consultées dimanche 5 mars 2023.
Une note du secrétaire général du gouvernorat de la région du Nord, Kouilga Albert Zongo, indique que le couvre-feu va de 22 heures à 5 heures du matin instauré sur toute l’étendue du territoire régional du vendredi 3 mars au vendredi 31 mars ». « Durant cette période, la circulation des personnes, des véhicules à quatre et deux roues, des tricycles [triporteurs] et des vélos est formellement interdite ». Tout en invitant les populations « au strict respect de cette décision en restant chez elles aux heures et dates indiquées ».
Plus précisément, le Koulpelogo, dans la région du Centre-Est, frontalière du Ghana et du Togo, pour tout le mois de mars ; et le Bam, dans la région du Centre-Nord, du 5 au 20 mars. Mi-février, le couvre- feu en vigueur depuis 2019 dans la région de l’Est, de minuit à 4 heures du matin, a été prolongé de trois mois, jusqu’au 21 mai inclus.
Le Burkina Faso connaît une intensification de violences djihadistes depuis le début de l’année, avec plusieurs dizaines de morts quasiment chaque semaine. La semaine dernière, l’armée avait annoncé un « bilan provisoire » de 51 morts dans une embuscade ayant visé des soldats le 17 février dans l’extrême nord du pays. Il s’agissait de l’attaque la plus meurtrière depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré lors d’un putsch, fin septembre 2022.
Selon les ONG, les violences attribuées aux groupes liés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique (EI) ont fait depuis 2015 plus de 10 000 morts civils et militaires ainsi que quelque 2 millions de déplacés.
Néanmoins, nous pensons que vu l’infiltration des terroristes dans les populations il reste difficile de les identifier. Cependant, cette méthode aura l’avantage de limiter leurs mouvements.
LA RESTRICTION DES LIBERTÉS
Selon le premier ministre : « On ne construit rien sans discipline ». Pendant ce temps, les partis politiques, défenseurs des droits humains et journalistes dénoncent une restriction des libertés et une multiplication des exactions sous couvert de lutte contre le terrorisme. La question taraude de plus en plus d’acteurs de la vie publique au Burkina Faso. Combien de temps pourront-ils encore s’exprimer en toute liberté ?
Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte suite à un coup d’Etat, en septembre 2022, le deuxième en huit mois, les espaces de liberté se restreignent tant pour les partis politiques, les défenseurs des droits humains que les journalistes.
Sur l’échiquier politique ces restrictions se manifestent par une atteinte à la liberté de réunion des partis politique est pourtant garanti par la Constitution.
Dans un communiqué paru le 14 février, l’Union pour le progrès et le changement (UPC), restée longtemps dans l’opposition, a révélé l’interdiction par le gouvernement de la prochaine session de son bureau politique. Fin janvier, un autre parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), recevait quant à lui un « avertissement » après s’être réuni en session ordinaire.
Le motif invoqué par les autorités tient dans un simple communiqué publié le 30 septembre, jour du putsch ayant porté les militaires au pouvoir, et ordonnant la suspension des « activités des partis politiques ».
Ousmane Diallo, chercheur chez Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest, dénonce « Un discours très dangereux, qui marginalise voire intimide les voix dissidentes, est en train d’émerger ». L’objectif, pour les autorités militaires : consolider leur pouvoir en fédérant l’opinion publique autour d’un récit unique jalonné par les victoires de l’armée face à des groupes djihadistes qui ne cessent d’étendre leur emprise depuis 2015, au point de contrôler aujourd’hui plus de 40 % du territoire.
DES RÉQUISITIONS MINIÈRES
Selon le gouvernement de transition, Ouagadougou s’est approprié l’or produit par la filiale du groupe canadien Endeavour Mining est une décision « dictée par un contexte exceptionnel ».
En exploitation depuis mars 2008, la mine d’or de Mana, l’une des plus grandes parmi la dizaine que compte le Burkina Faso, a produit 6,04 tonnes d’or en 2022, selon des chiffres officiels. Elle est la propriété de Endeavour Mining, qui a fusionné en 2020 avec le canadien Semafo pour former l’un des plus gros producteurs d’or en Afrique de l’ouest.
Le mardi 14 février, un arrêté signé par le ministre des Mines, Simon-Pierre Boussim, annonçait la « réquisition de l’or produit par la société d’exploitation minière d’or de Semafo Burkina Faso. Cet arrêté stipule que, conformément à l’article 16 du code minier, 200 kilogrammes d’or produits à la mine de Mana (ouest) sont « réquisitionnés ce jour pour nécessité publique ». Selon certains observateurs, l’industrie aurifère burkinabè serait championne de la résilience.
Dans la soirée du 15 février, le gouvernement s’est exprimé à travers la voix de son porte-parole, Jean Emmanuel Ouédraogo afin de « rassurer les investisseurs et tous les autres partenaires du Burkina Faso ». La décision de réquisition est dictée par un contexte exceptionnel de nécessité publique qui fonde l’État à demander à certaines sociétés minières de lui vendre une partie de leur production d’or.
Toutefois, l’arrêté ministériel indique que la société minière « percevra une indemnisation correspondant à la valeur de l’or ainsi réquisitionné », sans plus de précisions.
Quant au communiqué gouvernemental, il précise que cette transaction « à titre exceptionnel et temporaire » s’effectue « aux conditions d’achat de l’or sur le marché international ».
Selon certains observateurs le gouvernement se trouve dans une position de nécessité qui l’oblige à chercher les fonds nécessaires à une lutte plus efficace contre les terroristes qui minent le pays. Et ceci au moment où les forces armées françaises quittent le pays a la demande du gouvernement.
De ce fait la démarche du gouvernement devrait être comprise comme la conséquence d’une prise de responsabilité face à la réalité, même si cela ne convient pas à toutes les couches de la société.
Kadiatou CAMARA, journaliste ADS