Pour discuter des conditions liées à la conduite de la transition en Guinée, le pouvoir guinéen avait initié le 13 avril 2023, un cadre de dialogue « inclusif » à l’endroit des Forces vives du pays. Mais comme si on pouvait s’y attendre, ce cadre censé décrisper l’atmosphère sociopolitique de la Guinée n’a pas pu porter ses fruits.
Grâce à une médiation menée par les leaders religieux, les Forces vives de la Guinée avaient repris le 13 avril dernier, le dialogue avec le pouvoir actuel du pays. Ce cadre censé permettre le retour des civils à la tête du pays s’est encore une foi, soldé par un échec au point que d’aucuns craignent d’une nouvelle tension sociopolitique dans ce pays où l’histoire politique a plutôt été mouvementée.
Après plusieurs mois d’absence de dialogue faisant redouter une montée des tensions dans le pays, un nouveau cadre de dialogue inter-guinéen a été lancé le 13 avril dernier, pour discuter des questions clés sur les prochaines échéances électorales dans le pays. Aussitôt, des coalitions et alliances politiques ont décliné une énième fois, ce cadre d’échange proposé par les autorités actuelles de la Guinée. Celles-ci se plaignent notamment de leur marginalisation et invitent les autorités à prendre en compte au préalable, leurs recommandations pour une gestion consensuelle de la transition. Toute chose qui reste indispensable à un retour « paisible » à l’ordre constitutionnel dans ce pays coutumier à des violences politiques.
Démarche unilatérale
Depuis l’accession du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), le 5 septembre 2021, plusieurs initiatives ont été entamées dans le but de rendre la transition guinéenne inclusive autant que possible. Il était question notamment de donner à tous les acteurs de la vie sociopolitique et économique du pays, une occasion de s’exprimer et écouter leurs avis, revendications et propositions. Mais après des tentatives aussi diverses que multiples, aucune avancée notable n’a été notée.
En effet, après son retrait, l’opposition guinéenne réclame aux militaires au pouvoir, un retour rapide des civils à la tête du pays et la libération de tous les prisonniers qu’elle considère comme politiques. « Compte tenu de cet échec imputable aux autorités, les Forces vives de la nation après avoir répondu à toutes les demandes faites par les chefs religieux pour favoriser le dialogue sans succès, décident de se retirer de ces consultations dans les rues et sur les places publiques », ont-elles affirmé dans un communiqué du 28 avril dernier.
De même, la réaction des acteurs sociopolitiques les plus représentatifs du pays ne s’est pas fait attendre suite à cet énième échec du dialogue, qui trouvent cette démarche unilatérale. Pourtant, pour la réussite de ce dialogue, il est important d’y associer tous les acteurs sociopolitiques guinéens. On se rappelle que lors des Assises nationales de mars 2022, puis durant le Cadre de concertation le mois suivant, les principaux partis politiques guinéens n’ont pas répondu à l’invitation des autorités. Ni le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG arc-en-ciel) d’Alpha Condé, ni l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) que dirige Cellou Dalein Diallo, encore moins l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré n’ont été présents à ce rendez-vous décisif d’autant plus que ces trois acteurs qui constituent les plus représentatifs de la scène politique guinéenne ont bien leur rôle à jouer dans ce cadre de dialogue, qui va en droite ligne avec la décrispation de l’atmosphère sociopolitique du pays avant les prochaines échéances électorales.
Éviter une nouvelle instabilité politico-socio-militaire
Il n’échappe à personne que la Guinée connait un lourd passé d’instabilité politique, comme la plupart des États africains, dû à la mauvaise gouvernance des élites. Ce difficile démarrage du dialogue inter guinéen doit inquiéter plus d’un aujourd’hui, car une transition sur fond de tiraillements et de déclarations qui n’arrangent personne, a toutes les chances de prendre du sable, de tanguer. Car, en plus de l’échec du dialogue entre l’opposition et le pouvoir en place, la Guinée connait depuis quelques semaines, un climat tendu entre les militaires (à la tête du pays depuis le 5 septembre 2021) au point que d’aucuns craignent d’un second putsch dans ce pays comme le cas du Mali et le Burkina Faso.
Après le limogeage du patron des renseignements militaires, un décret présidentiel a dissous le 27 avril dernier, le Bataillon chargé de la sécurité présidentielle (BSP). Toutefois, pour que ce cadre d’échange puisse porter ses fruits, en évitant une nouvelle instabilité politico socio militaire dans le pays, il est évident que les autorités guinéennes y associent tous les acteurs concernés. Car à la fin de cette période charnière de l’histoire de ce pays, le seul qui en sera responsable, c’est bel et bien le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), dont il y reste la clé de voûte. Il est tout de même nécessaire que les autorités échangent préalablement avec l’ensemble des acteurs sociopolitiques guinéens sur les conditions de mise en place de ce cadre, avant de prendre toute décision.
Outre, il faut urgemment trouver des pièces de rechange pour que ce cadre d’échange puisse réellement et effectivement commencer. Il s’agit de rassembler tous les acteurs politiques autour de la table. Car dans ce pays, tout le monde est unanime qu’en écartant certains groupements politiques comme le RPG Arc-En-Ciel, l’UFDG et l’UFR dans un dialogue, c’est comme monologuer dans la mesure où ces formations politiques représentent, à elles seules, l’essentiel des suffrages exprimés en Guinée.
Bakary Fomba, journaliste ADS