Désavouée par les uns et soutenue par les autres, la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Mali (Minusma) continue de diviser les organisations de la société civile malienne. Si d’aucuns appellent à son départ immédiat, d’autres par contre, trouvent que son maintien est une nécessité.
Le 29 juin 2022, le Conseil de sécurité des Nations Unies prorogeait d’un an le mandat de la MINUSMA, jusqu’au 30 juin 2023, avec un effectif de 13 289 militaires et de 1 920 policiers et les mêmes priorités stratégiques à savoir l’appui à la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger et la facilitation de l’application par les acteurs maliens d’une stratégie politique globale et inclusive visant à lutter contre les causes profondes et les facteurs des conflits violents, à protéger les civils, à réduire les violences intercommunautaires et à rétablir la présence et l’autorité de l’État ainsi que les services sociaux de base dans le centre du Mali.
Cette prolongation faut-il le rappeler, s’est faite en dépit des réserves exprimées par les autorités maliennes sur certaines dispositions de la résolution notamment celles relatives à la libre circulation des casques bleus pour les investigations sur la situation des droits de l’homme.
Un renouvellement toujours problématique du mandat de la Mission
A un mois et demi du renouvellement de son mandat, l’avenir de la mission onusienne semble incertain. Pour une partie des pays contributeurs, la coopération avec les autorités maliennes semble de plus en plus difficile. Les restrictions à la liberté de circulation font que les conditions requises pour permettre à la MINUSMA de poursuivre ses activités conformément à son mandat ne sont pas réunies.
En effet, selon l’ONU, environ 24,1% des autorisations de vols des hélicoptères et des drones utilisés par la Mission afin de garantir la sécurité de ses convois le long des routes de réapprovisionnement ont été refusées, alors qu’elles figurent au nombre des paramètres essentiels à l’exécution du mandat de la MINUSMA.
Quant aux autorités maliennes, elles réaffirment qu’il n’y a aucune volonté d’empêcher la mission à exécuter son mandat et attirent l’attention sur la nécessité d’adaptation du mandat à l’environnement sécuritaire dans lequel la Mission est déployée et qui requiert un changement de doctrine, de règles d’engagement et surtout une volonté politique véritable d’aider le pays hôte à sortir de la crise, en intervenant selon les priorités définies les autorités maliennes.
Par ailleurs, une partie de la population malienne est très critique envers la mission onusienne. Des militants affiliés au groupe de la société civile Yerewolo Debout sur les Remparts organisent régulièrement des manifestations pour appeler à son départ. Des rassemblements similaires sont organisés dans plusieurs villes du pays. Ainsi, selon une enquête d’opinion réalisée par la fondation Friedrich-Ebert-Stiftung en février 2023 : « plus de la moitié de la population malienne (57%) est insatisfaite du travail de la MINUSMA contre 23% des Malien(ne)s qui se disent satisfaits du travail de la MINUSMA. Le principal reproche fait à la MINUSMA est son incapacité à protéger les populations civiles. Une frange minoritaire plus virulente accuse même la Mission de complicité avec les groupes terroristes. Selon cette frange, la période du renouvellement du mandat coïncide depuis plusieurs années déjà avec la recrudescence des attaques contre les civiles et les FAMas comme pour justifier la prolongation du mandat.
Les nombreux rapports produits par la Mission onusienne sur la situation des droits de l’homme apparaissant comme des rapports à charge contre les FAMas et les autorités maliennes sont de nature à renforcer l’idée majoritaire que la Mission intervient contre les intérêts du Mali.
Des partenaires sceptiques plient bagage
Les difficultés précédemment évoquées ont amené beaucoup de pays contributeurs à décider le retrait de leurs troupes. Il en est ainsi de l’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, l’Egypte, le Benin, le Salvador et la Côte d’Ivoire.
Aujourd’hui, après 10 ans de présence au Mali la mission a été incapable de rétablir la paix et son efficacité a été affectée par l’évolution de la crise. La mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la réconciliation se trouve dans une paralysie persistante. La relation entre la MINUSMA et le Mali dénote d’un manque de confiance mutuelle. Aussi, le Mali est-il devenu un enjeu de lutte géopolitiques entre les grandes puissances au sein du Conseil de Sécurité exacerbée par la crise ukrainienne. Déjà à l’occasion de la dernière prolongation du mandat de la MINUSMA, la Russie et la Chine se sont abstenues lors du vote de la résolution.
Outre ces raisons, faut-il le rappeler, c’est la mission de maintien de la paix de l’Onu ayant subi le plus de pertes humaines. Plus de 170 casques bleus ont trouvé la mort au Mali. Tous ces facteurs combinés font peser un sérieux risque sur la prolongation du mandat de la Mission.
Le Mali appelle à une meilleure adaptation de la Mission
En réalité, le Mali n’a jamais émis officiellement le souhait de voir la Mission onusienne mettre fin à son intervention dans le pays. Les autorités maliennes réclament une adaptation du mandat pour plus d’efficacité. Aussi, l’Etat s’appuie sur la MINUSMA pour beaucoup de choses entre autres le déminage, le transport aérien des fonctionnaires maliens dans les zones de crise, les appuis en matière électoral etc.
Par ailleurs, la MINUSMA joue un rôle de premier plan comme pourvoyeur d’emploi dans les régions du Nord, jouant ainsi un rôle important dans l’apaisement du climat social dans ces régions. Ainsi la Fédération des organisations de la résistance civile de Gao (FORC-G) a critiqué une de ses composantes, « Yèrèwolo de bout sur les remparts » qui a exigé le retrait pur et simple de la MINUSMA du nord du Mali. Le secrétaire général de ce regroupement d’une dizaine d’associations a estimé que même si la Mission onusienne n’a pas rempli son objectif de ramener la sécurité aux populations, elle a soutenu l’emploi et les services de base dans le nord du pays. Son retrait serait donc contreproductif selon lui.
Au demeurant, ni les autorités de la Transition, ni les Nations Unies n’ont intérêt à ce que le mandat ne soit pas renouvelé. Il sera alors absolument nécessaire que les membres du Conseil de Sécurité soient prêts à adapter et à recentrer le mandat de la Mission de sorte que les autorités maliennes se sentent écouter et leurs principales préoccupations prises en compte. Cela permettra de rétablir la relation de confiance mutuelle et l’amélioration du cadre d’intervention de la Mission.
M.K, expert des questions internationales et diplomatiques pour l’ADS