Les relations entre Pretoria et Moscou sont auréolées d’une discrétion extrême. La guerre en Ukraine et les prises de positions diplomatiques qu’elle a engendré, ont renforcé l’idée d’une « collusion suspecte » entre les leaders du parti indépendantiste l’ANC et le cercle rapproché de Vladimir Poutine.
De la suspicion et à la méfiance, l’opposition sud-africaine n’hésite plus à évoquer une « collusion suspecte » entre Cyril Ramaphosa et Vladimir Poutine. Au pouvoir depuis 1994, le parti indépendantiste sud-africain « ANC » serait à court d’argent et bénéficie d’un financement important de la part de la Russie. L’an dernier tout juste, le parti aurait reçu plus de 800 000 dollars de la part d’une société minière de manganèse appartenant à un influent homme d’affaire russe. C’est dire qu’au-delà des questions diplomatiques et de géopolitiques, il existe entre l’Afrique du Sud et la Russie d’autres liens qui ne s’expliques que par la realpolitik.
Une amitié bien assez étrange
Une maxime bien assez connue nous apprend que « les Etats n’ont pas d’amis, mais seulement des intérêts ». La politique internationale confirme chaque jour la vérité de cette maxime. Toutefois, il est des amitiés qui peuvent paraitre bien assez étranges par leur caractère saugrenu. C’est le cas entre l’Afrique du sud et l’Afrique du sud.
En effet, du point de vue des valeurs, le parti communiste russe de Vladimir Poutine est tout le contraire de l’ANC (African National Congress) de Cyril Ramaphosa. Le premier est extrêmement à droite et défend les valeurs chrétiennes orthodoxes tant que le second, est politiquement de gauche et est ouvert aux droits des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transexuels). Au regard de cette différence de taille, on comprend aisément que cette amitié intense entre la Russie et l’Afrique du sud ne se fonde pas sur des valeurs, mais plutôt sur des intérêts conjoncturels du moment.
Une amitié bien couteuse pour Pretoria
De toute évidence, cette amitié est bien assez couteuse pour l’Afrique du sud qui, par ses liens avec Moscou, assiste chaque jour à une réduction significative de sa part du commerce international. Les chiffres sont assez éloquents et l’on s’interroge ce que Moscou propose en contrepartie.
Classés juste derrière la Chine, les Etats-Unis (USA) occupent la deuxième place des partenaires commerciaux de l’Afrique du sud avec 4.2 milliards de dollars d’exportations contre seulement 132 millions avec Moscou.
Pourtant, Pretoria pourrait éventuellement perdre cet avantage comparatif dans son commerce avec les USA. Car, depuis le début de la guerre en Ukraine et le choix de ne pas condamner l’intervention russe en Ukraine, l’Afrique du sud fait face à de nombreuses pressions exercées par Washington.
En effet, Washington suspecte l’Afrique du sud de livrer des armes à la Russie contre l’Ukraine et menace de l’exclure d’un important pacte commercial. Si cela s’avère, l’Afrique du sud pourrait être amenée à payer le prix fort pour son amitié saugrenue avec Vladimir Poutine.
Un passé commun à ne pas oublier
Il est important de garder à l’esprit que l’ANC avec la Russie une amitié solide et historique qui remonte à l’époque de la guerre d’indépendance et de la lutte contre l’apartheid. Le parti communiste soviétique avait à l’époque soutenu considérablement l’ANC dans sa lutte pour la souveraineté et l’indépendance.
Néanmoins, la conjoncture a changé et les enjeux ne sont plus les mêmes. Il est évident qu’aujourd’hui, l’enjeu majeur est pour la Russie de trouver une voie d’accès à l’Afrique à travers Prétoria, dans le but d’étendre son influence sur le continent qui est devenu clairement, ces dernières années, un enjeu géopolitique de premier plan.
Ballan DIAKITE, Chef de la rédaction de L’Analyse de la semaine, Politologue – Nous contacter – @analysesemaine (Twitter)