Le Mali vient d’adopter un nouveau code minier. Il s’agit de l’un des projets phares du gouvernement de transition. Issa Djiguiba, journaliste à L’Analyse de la semaine évoque le sujet avec Soumaila Lah, enseignant chercheur/Consultant industries extractives.
Issa Djiguiba : Que pouvez-vous nous dire concernant le nouveau code minier malien ?
Soumaïla Lah : La plupart des Etats Africains riches en ressources minérales sont à leur 4e, 5e ou même 6e générations de codes miniers. Ces changements à répétition des codes dans un domaine qui est considéré comme un domaine d’exception traduisent la volonté des pays d’aboutir à un modèle gagnant/gagnant. Toutefois, le constat est que la plupart des pays du fait de leur dépendance (première recette d’exportation pour la plupart) aux dividendes et taxes issus de l’exploitation des ressources naturelles ont été régulièrement dans des opérations de charme pour attirer plus d’investisseurs.
Le nouveau code minier traduit la probablement la volonté des autorités du Mali d’accroitre les parts qui doivent revenir au Mali dans l’exploitation de son sous-sol. Toutefois, le code ne permettra pas dans l’immédiat de faire passer la part du Mali de 10 à 30/35 pourcent, avec une incidence budgétaire de 300 à 500 milliards par an sur le budget, grâce au nouveau code Minier, comme annoncé en grande pompe par des membres du Gouvernement et du CNT ! La raison est simple ! Les dispositions du nouveau code ne s’appliqueront à aucune des 15 mines en activités(exploitations). La part du Mali continuera à tourner autour de 10 à 20 pourcents selon les mines. Pourquoi ? En législation minière il y a ce qu’on appelle les « clauses de stabilisation). En vertu de ces clauses, une convention d’établissement signée sous l’égide d’un code reste sous celui-ci jusqu’à la fermeture de la mine. C’est la raison pour laquelle nous retrouvons jusqu’à 4 ou 5 générations de code minier en application au Mali (les codes de 1970, 1991, 1999, 2012… continuent à s’appliquer). Le Nouveau code suivant cette logique ne pourra s’appliquer qu’aux nouveaux investisseurs qui voudront investir dans le domaine au Mali à partir de sa date de promulgation ainsi que les conventions qui arrivent à expiration et devant faire l’objet de renouvellement. Aussi, le nouveau code (après lecture) n’est pas de nature à amorcer un changement de paradigme au profit du Mali et des Maliens dans le domaine contrairement à ce qui est annoncé en grande pompe. Pour que l’or brille pour les maliens il faudra une réforme et une refonte en profondeur qui fera de l’Etat un véritable acteur par le biais de joint-venture/contrat d’entreprise et un modèle de régulation viable.
Issa Djiguiba : On parle de 10% pour l’Etat malien. Que ce que cela veut dire concrètement ?
Soumaïla Lah : Le Code minier et la convention d’établissement type confère à l’Etat dans la phase d’exploitation une prise de participation gratuite de 10 pourcents dans le capital de la société. Toutefois dans les codes de 2012 et 2019 l’Etat avait également la possibilité s’il le souhaitait d’acquérir 10 autres pourcents du capital mais cette fois ci en mettant la main à la poche. Ces deux possibilités offraient une prise de participation maximal pour l’Etat de 20 pourcents.
Dans le nouveau code (2023) cette possibilité de mettre la main à la poche pour acquérir une participation plus importante passe de 10 à 20 pourcents. Ce qui se traduira, dans les contrats qui seront sous le giron du nouveau code, par la possibilité pour l’Etat d’aller à 30 pourcents de prise de participation. Le nouveau code donne également la possibilité pour les investisseurs privés maliens de participer à hauteur de 5 pourcents dans le capital de la mine.
Ces innovations traduisent quelques peu la volonté d’accorder une plus grande part à l’Etat dans le secteur extractif mais la réalité reste qu’il s’agit d’un secteur assez spécifique qui demande des investissements très conséquents. L’Etat n’a pas forcément les ressources nécessaires disponibles pour entrer dans la deuxième catégorie des prises de participations que le code minier lui confère.
Issa Djiguiba : On parle souvent de problèmes structurels quand on évoque la gouvernance du secteur minier dans la sous-région. Pouvez-vous nous en dire un peu ?
Soumaïla Lah : Le principal problème du secteur minier dans la sous-région à trait évidemment à une absence de régulation efficiente. Le modèle développé jusque-là n’est pas de nature à permettre de poser les bases d’un partenariat gagnant/gagnant. Les codes miniers s’apparentent plus à des opérations de charme pour attirer des investisseurs qu’a des outils de développement. Les conventions d’établissement ne sont également pas des contrats qui permettent les transferts de technologies et par ricochet la possibilité pour les Etats riches en ressources minérales de constituer des viviers d’experts solides permettant le passage à une ou des exploitations nationales.
Issa Djiguiba : Le Mali, comme les autres pays en crise au Sahel ont beaucoup de difficultés à mobiliser les investisseurs. Comment comprendre cette difficulté ?
Soumaïla Lah : L’investissement en règle générale est allergique aux crises. Cependant le secteur des mines de façon générale constitue assez souvent une exception. Les investisseurs continuent assez souvent leurs investissements dans le secteur malgré des crises politiques à répétition ou sur la durée dans certains pays. En la matière c’est plus l’environnement des affaires et des facilités fiscales et douanières qui constituent des indicateurs pour les investisseurs. Les Etats doivent définir des politiques et stratégies qui permettent l’utilisation de la manne financière issue du secteur des mines pour financer les autres secteurs porteurs. C’est loin d’être le cas aujourd’hui en ce sens que l’essentiel de la manne tirée du secteur va dans les besoins de fonctionnement des Etats.
Merci monsieur LAH