La conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a tenu le dimanche 10 décembre, dans la capitale nigériane, Abuja, son 64è Sommet ordinaire. Lors de cette rencontre annuelle, les dirigeants Ouest-africains ont décidé de lever d’interdiction de voyage imposée au président de la Transition et au Premier ministre maliens dans l’espace CEDEAO. Cependant l’organisation perd de plus en plus sa crédibilité aux yeux des peuples, annonce des observateurs nationaux et internationaux.
Depuis le Coup d’État du 18 août 2020 contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali est dirigé par un pouvoir civilo-militaire avec à sa tête, le Colonel Assimi Goïta. Suite à l’interruption de l’ordre constitutionnel au Mali, les chefs d’Etat de l’organisation sous-régionale ont décidé d’interdire de voyage le président de la Transition et le Premier ministre maliens dans l’espace Cédéao. Ces sanctions ont été levées à l’issue des travaux du 64è Sommet ordinaire de la conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Cependant, les dirigeants Ouest-africains ont clairement rejeté l’Alliance des États du Sahel dont le Mali est l’un des initiateurs. Aussi, le président du Nigeria a qualifié la mise en place de cette Alliance de « tentative fantôme ». Ce rejet met en lumière des tensions politiques et stratégiques dans la région, soulignant la nécessité de préserver la cohésion au sein de la CEDEAO.
Depuis l’interruption de l’ordre constitutionnel dans certains pays membres de l’organisation, notamment le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et le Niger, les tensions politiques entre la CEDEAO et ces États ne cessent d’accroître. L’organisation sous-régionale est même considérée par certains de ses détracteurs comme un club de chefs d’Etat et non une organisation au service des peuples.
La CEDEAO et les crises sociopolitiques
Depuis 2020, quatre pays membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ont connu un Coup d’État militaire. Trois de ces pays sont confrontés depuis plusieurs années à une expansion djihadiste qui a provoqué la mort de milliers de civils et militaires ainsi des millions de déplacés internes. Il s’agit entre autres du Mali, du Burkina Faso et du Niger qui sont trois pays frontaliers.
D’abord en août 2020 et en mars 2021, les militaires maliens portés par le colonel Assimi Goïta, ont mis fin respectivement au pouvoir du président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta et ensuite au pouvoir du président de la Transition Bah N’Daw. En septembre 2021, la force spéciale guinéenne dirigée par le Colonel Mamady DOUMBOUYA dépose le président Alpha Condé. En janvier 2022, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a évincé le président de la République du Faso, Roch Marc Christian Kaboré du pouvoir. En septembre de la même année, le lieutenant-colonel Damiba est déposé par son camarade de lutte, le Capitaine Ibrahim Traoré. En juillet 2023, le Général Abdourahamane Tiani met fin au mandat du président Mohamed Bazoum du pouvoir.
Fait important, ces coup d’État militaires sont soutenus, la plupart de cas par les populations civiles qui accusent les dirigeants de la CEDEAO d’être à la merci d’une puissance étrangère, notamment la France. Ce qui a décrédibilisé l’organisation sous régionale aux yeux des peuples Ouest-africains, selon certains observateurs.
Par ailleurs, elle perd aussi son autorité puisque les pays membres commencent à défier son pouvoir ces dernières années. Surtout les pays dirigés par militaires. Ces États ont même engagé un bras de fer avec la Communauté sous régionale. Selon certains observateurs, les sanctions émis contre le Mali, le Burkina Faso et Niger n’ont pas eu l’effet escompté. Aussi, les peuples de ces trois pays dénoncent « une main mise » de la France sur la CEDEAO.
La CEDEAO entre menace et résignation
L’annonce d’une intervention militaire au Niger après le Coup d’Etat de Général Abdourahamane Tiani contre le président Bazoum a aussi amplifié les tensions entre l’organisation sous régionale et les pays de la zone « des trois frontières », notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Après cette annonce, le Mali et le Burkina Faso avaient affirmé dans un communiqué conjoint que « toute intervention militaire contre le Niger s’assimilerait à une déclaration de guerre » à leur encontre. Depuis les trois pays se sont unifiés. D’où la création par la charte de Liptako-Gourma de l’Alliance des Etats du Sahel (AES).
Les autorités de ces trois pays en transition ne prêtent plus l’oreille à la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest. Elles ont même menacé de quitter l’organisation si elle intervient militairement au Niger. Au sein de cette Alliance, les trois pays du Sahel coopèrent ensemble particulièrement dans la lutte contre le terrorisme qui est le défi majeur de ces pays. En outre, ils comptent mettre en place une union économique et monétaire. Outre les autorités, les détracteurs de l’organisation sous-régionale au Mali, au Burkina Faso et au Niger voient en elle un danger pour le développement de l’Afrique et une organisation au service de « l’impérialisme ».