Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont cessé d’être membres de la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) le mercredi 29 janvier 2025. Une rupture sans grande incidence sur les populations de l’une et l’autre partie, car jusque-là, les deux organisations ont donné les garanties de la libre circulation des personnes et des biens.
Malgré les menaces et les déclarations virulentes et hostiles qui étaient visibles au début des tensions, le divorce entre la CEDEAO et les États membres de la Confédération de l’AES, est prononcé sans conséquence immédiate majeure dans le quotidien des populations des deux communautés.
En janvier 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont conjointement décidé de se retirer de la CEDEAO avec effet immédiat. Mais avant les 12 mois de l’échéance butoir pour rendre effectif ce retrait, selon les textes de la CEDEAO bien évidemment, les trois pays, tout en mettant l’accent sur le caractère irréversible de cette démarche avaient néanmoins indiqué que l’espace AES resterait ouvert à la libre circulation des personnes et des biens. Les trois pays ont mis en circulation de nouveaux passeports arborant le logo de leur union, mais ont précisé que les citoyens détenteurs de passeports CEDEAO en cours de validité pouvaient continuer à les utiliser jusqu’à leur date d’expiration.
Par réciprocité, les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO ont également souligné citant, « l’esprit de solidarité régionale et l’intérêt supérieur des populations », que les détenteurs de passeport et de carte d’identité biométrique de la CEDEAO peuvent continuer à jouir de tous les privilèges pendant la période transitoire qui prend fin en Juillet 2025. Une décision qui réjouit certains mais inquiète d’autres par rapport au suspens sur le sort des nouveaux documents AES surtout que la CEDEAO dans ses différents communiqués semble faire fi de cette nouvelle confédération des Etats du Sahel.
On en retient que la CEDEAO, lors de son 66e sommet à Abuja, avait demandé à ses interlocuteurs (pays de AES) l’instauration d’un cadre de concertation pour déterminer les conditions de la séparation. Ainsi, le 26 janvier, les ministres en charge des Affaires Étrangères des trois pays de l’AES ainsi que le président de la commission nationale de la confédération des États du Sahel du Burkina Faso se sont rencontrés à Ouagadougou (Burkina Faso) sur la question pour la énième fois afin d’étudier et anticiper ces discussions avec la CEDEAO ainsi que toutes les répercussions de ce retrait sur les populations.
D’ailleurs à la suite de cette rencontre, les trois ministres ont salué « une convergence de vue sur l’approche globale des futures négociations avec la CEDEAO dans l’intérêt supérieur des populations ». Ce qui est sûr, l’imposition de nouvelles mesures sévères sur l’AES serait beaucoup plus problématique pour la CEDEAO.
La CEDEAO a tout intérêt à tirer les bonnes leçons du retrait des pays de l’AES
A la veille même de l’anniversaire de ses 50 ans, la CEDEAO perd trois de ses membres qui représentaient, eux seuls, 74 millions d’habitants et 2 millions 800 000 Km2 de superficie. Pis, ce retrait survient à un moment ou l’organisation sous-régionale est mise en cause pour son « deux poids-deux mesures » et son attitude « complice » face à certains tripatouillages constitutionnels au même moment où elle condamne les coups d’état sur un même espace.
Il convient de noter, à ce titre, que de nombreuses propositions de réformes sont portées au sein de la CEDEAO, afin que l’organisation devienne pleinement « une CEDEAO des peuples » mais elles peinent à aboutir. Pour certains analystes, le ras-le-bol des populations de la zone CEDEAO pour des régimes dits « démocratiques » mais qui continuaient de piétiner impunément les droits et les libertés des citoyens, a donné un véritable élan aux derniers coups d’Etat en Afrique de l’Ouest. Ainsi, la posture des pays de l’AES est devenue une référence, voire, un symbole pour les panafricanistes en matière d’autodétermination, de diplomatie active contre l’ingérence extérieure, la lutte contre l’insécurité et le terrorisme, entre autres.
En plus des récurrentes manifestations de soutien aux pays de l’AES, et récemment en plein cœur de la capitale française, le ministre des affaires étrangères du Togo, Robert DUSSEY, lors d’un entretien accordé à Vox Africa, le mois dernier, n’a pas écarté l’hypothèse de adhésion de son pays à l’AES.
Différents événements récents impactant la région ouest africaine, sur le plan intérieur ou géopolitique, convergent dans le fait que la CEDEAO, a tout intérêt à rester flexible dans ses manœuvres pour garder des relations stables avec les pays de l’AES. Toute restriction contre les peuples de l’une ou l’autre partie, suite à ce retrait, risquerait d’être encore plus problématique pour la CEDEAO et susciter encore plus d’intérêt pour l’AES.
L’AES ne sera pas isolée
En plus de toutes les raisons avancées, plusieurs autres facteurs démontrent que l’AES ne sera pas isolée après sa sortie de la CEDEAO. Les trois pays restent encore membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) partageant la même monnaie et nombreux autres cadres d’intégration économique et commerciale avec un accent fort sur la libre circulation des personnes et des biens.
Aussi, certains pays de la CEDEAO comme le Sénégal, le Togo et récemment le Ghana ont également exprimé leur volonté de poursuivre leur relation amicale et de bonne coopération avec les pays de l’AES. Une chose qui sous-entend que les coopérations bilatérales auront beaucoup plus de poids dans la nouvelle architecture de l’Afrique de l’Ouest.