Les récentes frappes de l’armée malienne dans l’extrême nord du pays ne sont pas passées inaperçues du côté d’Alger. En effet, depuis les frappes de drones du dimanche 25 août de l’aviation militaire malienne sur Tinzaouatène, près de la frontière algérienne, les tensions sont montées d’un cran supplémentaire entre les deux voisins historiques.
Pour l’Armée malienne, c’est catégorique : les cibles sont « terroristes »
Pour les rebelles touarègues, les frappes de drones du dimanche 25 août 2024 avaient ciblé des cibles civiles dont des enfants. Dans un communiqué du 26 août 2024, les Forces armées malienne (FAMa) ont affirmé que les frappes avaient visé des « cibles terroristes » et « une vingtaine d’individus armés » avaient été tués. C’est bien de là que va naitre la nouvelle épisode des tensions entre l’Algérie et le Mali. Le lundi 26 aout 2024, en marge de la célébration du 75è anniversaire de l’adoption des conventions de Genève de 1949, le représentant de l’Algérie auprès des Nations Unies, Ammar Benjameh, a fait la déclaration suivante « Nous devons œuvrer pour mettre fin aux violations et aux menaces des armées privées » utilisées par certains pays au Mali, et les tenir responsables de ce qu’ils commettent en « violation du droit international ». Ammar Benjameh a souligné que la région fait face à « de nouveaux défis qui menacent la stabilité des pays », soulignant au passage « que la présence de certaines armées privées opérant en dehors de la sphère de responsabilité internationale conduit à une détérioration de la sécurité régionale ». Il s’agit de la première réaction officielle de l’Algérie de cette envergure depuis quelques temps. Et ces dernières déclarations algériennes sont à prendre comme un niveau de crainte supplémentaire. L’Algérie craint, en effet, les impacts grandissants de la crise frontalière avec le Mali sur sa sécurité interne de manière directe. Cette crainte algérienne est aggravée par l’influence grandissante du Mali dans la région et auprès de certains acteurs influents du conflit. Il s’agit notamment du Maroc, des Émirats arabes unis, de la Russie ainsi que de la Turquie. Tous ces pays soutiennent aujourd’hui le Mali dans cette crise au détriment de l’Algérie et des groupes indépendantes touarègues.
La réaction malienne ne s’est faite attendre
En substance, les déclarations algériennes dans ce contexte de tensions grandissantes entre les deux pays, ont été interprétées par le Mali comme de graves accusations inamicales. Et la réponses ne s’est faite attendre côté malien. Ce vendredi 30 août 2024 au sécurité, Issa Konfourou, l’ambassadeur et Représentant permanent du Mali auprès de l’Onu, a catégoriquement rejeté les déclarations algériennes. Il les a notamment qualifiées de « graves et infondées ». Le diplomate malien a également accusé son homologue algérien d’être un relai d’informations non vérifiées en faveur de la propagande terroriste.
La réaction malienne s’est également portée sur l’afflux d’armes et l’implication de l’Ukraine dans le conflit malien. Issa Konfourou, a exprimé les préoccupations de son pays quant à l’afflux d’armes au Sahel, à l’implication de l’Ukraine dans le conflit malien et aux impacts sur la stabilité dans la région. Le diplomate malien a notamment rappelé qu’« il est impératif que ces armes ne tombent pas entre les mains de groupes terroristes et extrémistes« .
L’Algérie et le Mali subissent les conséquences de la chute de Mouammar Kadhafi
La chute du régime libyen en septembre 2011, dirigé par Mouammar Kadhafi avait provoqué immédiatement un afflux massif d’armes et d’hommes armés dans un espace hautement stratégique : le septentrion malien et nigérien, vaste zone doublement frontalière avec l’Algérie; communiquant également avec la Mauritanie et qui intéresse le royaume chérifien. La chute de Mouammar Kadhafi, en septembre 2011, a été d’abord fatale pour la légère accalmie dans le septentrion malien, épargnant grandement les autres acteurs directs. Tout est parti d’un bataillon Touareg issu de la Brigade Maghaouir du guide libyen déchut, provenant du Sud de la Libye, et se dirigeant vers le septentrion nigérien et malien, lourdement armé, rallumant ainsi la flamme indépendantiste touarègue. Les velléités indépendantistes touarègues du côté malien vont ainsi donner un souffle nouveau au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui utilisera les armes en provenance de la Libye pour occuper le septentrion malien.
L’instabilité dans cette zone, une inquiétude de sécurité nationale pour l’Algérie
Après avoir réussi à contenir à sa propre rébellion touarègue, l’attitude algérienne est double depuis plusieurs décennies : contenir en interne la rébellion touarègue sur son sol et maintenir coûte que coûte les séquences violentes touarègues hors de son territoire. Sauf qu’en réalité, cette zone frontalière n’a jamais été maîtrisée. Elle reste vaste, les frontières poreuses, et les familles circulent. En somme, sans une coopération franche et durable entre les acteurs directement concernés, il y a peu de chance de garder la zone stable.
Amadou SANTARA, analyste pour L’Analyse de la semaine
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