Alger et Moscou envisagent un énorme accord militaire pour l’année prochaine, coïncidant avec l’augmentation du budget de la défense que l’Etat algérien entend approuver d’ici 2023.
Un document circulant parmi les parlementaires algériens depuis la mi-octobre pour être débattu indique une augmentation de 130 % des dépenses de défense. Les 10 milliards de dollars US que l’Algérie a historiquement dépensé au cours de la dernière décennie passeraient désormais à 23 milliards de dollars US. Cette hausse est rendue possible grâce à l’augmentation du coût du gaz et des hydrocarbures causée par la guerre en Ukraine.
L’équipement militaire des forces armées algériennes pourrait bénéficier d’une refonte majeure grâce à l’accord potentiel qu’Alger et Moscou négocient. Selon des sources, il s’agit d’un contrat d’une valeur allant jusqu’à 12 à 17 milliards de dollars US. La totalité de cette somme serait destinée aux acquisitions et à la modernisation de l’arsenal algérien.
Alger et Moscou finalisent actuellement des discussions en vue de passer un accord-cadre de fourniture militaire pour les dix prochaines années. Des discussions entre les deux parties ont été engagées dans ce sens. Pour les phases de contractualisation, l’accord-cadre devrait être officialisé lors de la visite d’Abdelmadjid Tebboune à Moscou, programmée pour le mois de décembre prochain.
Des achats d’armements judicieux pour l’Algérie
Une chose est sûre, c’est que les moyens de défense de l’Algérie, bien que nombreux, ont besoin d’une modernisation générale. Le défilé des forces armées célébrant le 60e anniversaire de l’indépendance du pays a été qualifié par les analystes de manque de nouveaux systèmes d’armes. L’Algérie utilise encore de vieux BMP-1 et 2, reliques de la guerre froide, que l’on voit souffrir quotidiennement sur le théâtre de guerre ukrainien.
L’Algérie de plus en plus proche de la Russie au détriment des Etats-Unis
L’Algérie choisit une fois de plus son camp et se rapproche de la Russie. Les tentatives du secrétaire d’État américain, Blinken, pour avertir le « pouvoir » algérien de ne pas prendre cette voie ont été vaines.
Washington et Alger n’entretiennent pas de mauvaises relations, même si le « Pouvoir » se tourne de plus en plus vers Moscou. Une façon pour Blinken de garder les portes ouvertes. La nouvelle de ce gigantesque achat d’armes à Moscou et le pivot exercé par l’Iran, l’Algérie et Moscou pour tenter de pénétrer davantage en Afrique pourraient constituer un tournant dans l’orientation des relations de l’Algérie avec les États-Unis.
Cette nouvelle confirme les soupçons de plusieurs analystes militaires selon lesquels, l’Algérie est condamnée à dépendre de la Russie pour ses systèmes d’armes. La technologie militaire et son utilisation pratique sont affectées par un facteur de compatibilité qui lie les armées utilisatrices à plusieurs fournisseurs dans de nombreux cas. C’est l’hypothèse évoquée par l’analyste et ancien diplomate marocain Mohamed Loulichki dans une interview, lorsqu’il a été interrogé sur les possibilités de l’Algérie de s’armer à l’avenir.
L’Algérie pourrait bientôt mener des opérations militaires au Mali
Mohamed Loulichki, dans une interview a déclaré qu’avec leur nouveau budget pour 2023, les militaires algériens dirigés par Saïd Chengriha pourraient bien mettre sur la table une « exportation » de leurs forces armées au Mali pour remplacer, aux côtés du groupe russe Wagner, le vide laissé par la France et les pays européens en termes de besoins sécuritaires. Pourtant, on sait que l’Algérie est un acteur clé dans le processus de la paix et de la réconciliation à travers la place stratégique qu’elle occupe dans le Comité de Suivi de l’Accord (CSA). Cet accord, signé entre le gouvernement du Mali et la Coordination des mouvements de l’Azawad en juin 2015, fut négocié à Alger sous les auspices de la Communauté Internationale. Dans ce contexte, une intervention militaire de l’Algérie au Mali ne serait que la suite logique de son ancrage diplomatique sur les grandes questions de gouvernance (sécurité, paix, réconciliation) au Mali.
La répartition stratégique du budget de l’armée
Ce budget a été divisé en trois parties : 5 milliards alloués à « la logistique et au support multi-missions » laquelle servira, à financer des opérations hors des frontières algériennes, 8 milliards pour la défense nationale et autant pour l’administration du ministère. Une partie de la première enveloppe pourrait être dédiée à l’appui au rayonnement d’Alger auprès des capitales sahéliennes, alors que la diplomatie algérienne tente de rapprocher les états-majors de la zone.
Les 9 milliards alloués à l’administration générale du ministère algérien de la défense nationale (MDN) devraient servir à résoudre l’épineux contentieux des pensions des retraités et blessés de l’armée. Il concerne plus de 100 000 vétérans de la guerre contre le terrorisme et leurs ayants droit. Ces derniers réclament une réévaluation de leur pension et des aménagements économiques leur permettant de réintégrer la vie active.
L’Algérie renforce son armement de livraison d’armes russes à cause du Maroc
Certains observateurs pensent que l’Algérie renforce son armement de livraison d’armes russes à cause du Maroc. Car depuis la signature d’un accord militaire entre le Maroc et Israël, l’Algérie, qui se dit menacée, augmente son budget militaire, en vue d’acquérir de nouvelles armes. Elle s’est, une fois de plus, tournée vers la Russie pour renforcer son armement.
Si l’Algérie obtenait ces appareils dans les prochaines années, elle jouirait d’une supériorité aérienne considérable sur le Maroc, qui exploite essentiellement une flotte de F-16 modernisés, selon les dernières normes. Il est peu probable que le Maroc acquière des F-35 à l’avenir, que les États-Unis réservent presque exclusivement à des partenaires militaires qui n’ont pas de matériel russe et chinois dans leur arsenal. Une obligation de sécurité pour garder secrets les systèmes qui rendent le F-35 furtif. Le Maroc dispose de systèmes d’armes chinois et russes dans ses bases, de drones et de systèmes de missiles anti-aériens.
Ce contrat record doit aussi permettre à l’Armée nationale populaire (ANP) d’assurer son autonomie pour la maintenance, les pièces de rechange et les munitions, avec un grand projet de transfert de production sur les trois prochaines années.
Un sujet qui tient tout particulièrement à cœur au chef d’état-major, Saïd Chengriha. Le budget du département de la défense passera d’environ 10 milliards de dollars, chiffre stable depuis au moins 2012, à 22,6 milliards de dollars. Une hausse qui devrait faire du budget militaire algérien le plus important du continent africain.
Toutefois, nous pensons que cette augmentation ne sera pas vue d’un bon œil par une grande tranche de la population qui estime que le gouvernement investit trop sur son armée au détriment d’autres causes qui s’avèrent urgente et vitale dans le pays.
Kadiatou CAMARA