De Bill Clinton à Barack Obama, en passant par George W. Bush, de Jacques Chirac à Emmanuel Macron, de Tony Blair à Recep Tayyip Erdogan, de Xi Jinping à Angela Merkel, Dakar a accueilli les chefs d’État les plus puissants du monde. D’un point de vue diplomatique, le Sénégal reste incontournable et ceci pour plusieurs raisons.
En premier lieu, la stabilité politique du pays dans une région troublée. En second lieu, en relation avec le premier, la vitrine démocratique que Dakar offre à voir au monde. En troisième lieu, le volontarisme des autorités sénégalaises à participer à la construction de la paix en Afrique et dans le monde. Le Sénégal fait en effet partie des plus importants contributeurs de casques bleus de l’Organisation des Nations unies (ONU). Ils étaient au nombre 2 837 en 2017, d’après le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP).
L’intervention de la diplomatie sénégalaise est multidimensionnelle. Elle se caractérise par un soft power assumé qui trouve son origine dans les fondements de la construction de l’État sénégalais. Celui-ci a mis très tôt l’accent sur la diversité et le rayonnement culturel. Sur la scène internationale, l’objectif est de faire connaître et de faire vivre la Téranga sénégalaise, déclinée sous différents angles. L’image du pays, modèle en démocratie et du respect des droits humains, dynamique sur le plan scientifique, intellectuel (universités et formation supérieure) et culturel (artistes et créateurs de renom dans la littérature, le cinéma, la musique, la mode, la cuisine, les arts, etc.) doit être au service de la diplomatie et de l’attractivité du Sénégal.
Normalisation
Cette diplomatie est sécuritaire, économique, politique, culturelle et sportive. Le Sénégal a, en effet, abrité plusieurs conférences internationales, notamment l’Organisation de la coopération islamique en 1991 et en 2008, la Francophonie en 1989 et en 2014, et compte plusieurs rencontres internationales à son actif, à l’exemple du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, organisé annuellement depuis 2014. Sur le plan culturel, le Sénégal a accueilli le premier Festival mondial des arts nègres en 1966, qu’il a réédité en 2011. Sur le plan sportif, plusieurs évènements continentaux ont déjà eu lieu au Sénégal dans la plupart des sports. Parmi les compétitions majeures accueillies par le Sénégal, on peut citer le Championnat d’Afrique de basket-ball masculin [organisé à quatre reprises depuis 1972] et féminin [organisé à six reprises et dont la dernière édition en 2019 s’est déroulée à Dakar] ; la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football en 1992, etc. Le Sénégal est candidat à l’organisation de la CAN 2025. Les Jeux Olympiques de la jeunesse sont prévus à Dakar en 2022.
Parmi les axes majeurs de la diplomatie sénégalaise, figurent en bonne place les relations d’amitié, de bon voisinage et l’intégration africaine. Les relations entre le Sénégal et la Mauritanie ont été marquées à partir de 1989 par le fameux « je t’aime, moi non plus ». Les affrontements de part et d’autre de la frontière des deux pays en 1989 et les vives tensions de 2000 ont laissé des séquelles profondes que l’actuel président Macky Sall essaie de cicatriser en normalisant ses relations d’abord avec le président Mouhamed Ould Abdelaziz, puis avec le successeur de ce dernier, Mohamed Ould Ghazouani. Ce réchauffement s’est notamment traduit par le partage et l’exploitation commune des ressources gazières du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), plateforme flottante de gaz naturel liquéfié offshore innovante.
Relations compliquées
Le Sénégal entretient aussi des relations compliquées avec la Gambie. Il est intervenu deux fois en territoire gambien pour restaurer la démocratie et l’État de droit en 1980 et en 1981. En janvier 2017, le Sénégal est à l’initiative du mandat du Conseil de sécurité de l’ONU portant sur l’intervention militaire de la Cédéao en Gambie pour faire respecter l’issue des élections que l’ancien dictateur Yahya Jammeh refusait d’admettre.
Dans le nouvel contexte d’apaisement et de coopération militaire et économique, la confédération sénégambienne, qui n’a pas pu résister aux divergences de vues des dirigeants gambiens et sénégalais en 1989 suite au conflit mauritano-sénégalais, pourrait, selon certains observateurs, ressusciter, incluant cette fois-ci la Guinée Bissau. La Guinée Bissau a maintenant des relations apaisées avec le Sénégal après des années de méfiance réciproque alimentée par le conflit en Casamance. La Guinée Bissau est accusée, à tort ou à raison, en même temps que la Gambie, d’être une base arrière du Mouvement des forces démocratiques de Casamance, qui réclame son indépendance au Sénégal.
Le Sénégal a énormément pesé pour la stabilité politique et économique de la Guinée Bissau, parrainant son entrée dans la Francophonie (1979) et dans la zone Uemoa (1997). Bien qu’hésitant au début du conflit au Mali, le Sénégal compte actuellement plus de 1 300 militaires et policiers engagés dans les différents théâtres d’opérations au Mali sous l’égide de la Minusma (mission dee l’ONU). Globalement, de relations complexes, compliquées, parfois conflictuelles, le Sénégal est entré dans une phase de coexistence pacifique voire de co-développement économique et sociale avec ses voisins immédiats.
Tolérance et vivre-ensemble
A l’échelle du continent, en plus de la participation de casques bleus sénégalais dans la plupart des conflits passés et actuels (Congo, Rwanda, Soudan, Centrafrique, etc.), Dakar a joué un rôle important dans la chute du régime raciste d’Afrique du Sud, notamment lorsque Abdou Diouf présidait aux destinées de l’Organisation de l’unité africaine (actuelle Union africaine). C’est d’ailleurs à Dakar que s’est tenue la conférence considérée comme l’un des déclencheurs de la fin du système d’apartheid, réunissant en 1987 le Congrès national africain (ANC) et des Afrikaners. Dakar s’est aussi activement singularisé dans la résolution pacifique de crises ou conflits (Côte d’Ivoire et Madagascar en 2002). Sur le plan économique, le Sénégal sous Abdoulaye Wade a été à l’initiative de plusieurs programmes panafricains dont le NEPAD. Enfin, dans un contexte international marqué par la violence idéologique et identitaire, le soft power sénégalais s’appuie sur la dimension religieuse pour raffermir ses relations avec d’autres pays (Maroc, Niger, Nigéria) et affirmer la nécessité du dialogue islamo-chrétien. Le premier président, Léopold Sedar Senghor, étant chrétien dans un pays majoritairement musulman, cet argument est naturellement présenté comme gage de la tolérance et du vivre-ensemble sénégalais.