La Chine a entamé vigoureusement cette semaine une nouvelle étape de son plan de « non dépendance » aux États-Unis et aux 4 premiers pays les plus puissants de la planète. Cette étape vise spécifiquement à protéger les données intérieures du pays et à donner un avantage important aux dauphins chinois face aux géants occidentaux. Deux secteurs d’activité de premier plan ont été ciblés : la comptabilité et le secteur des services.
La directive officielle a été adressée aux entreprises chinoises. Elle est suffisamment précise : les entreprises chinoises ne doivent plus renouveler les contrats les liant aux puissantes entreprises spécialisées des 4 pays les plus puissants. Deloitte, EY, KPMG, PWC sont directement visées par cette mesure aussi stratégique que isolationniste. Ces quatre poids lourds ont gagné plus de 2,5 milliards de dollars en 2021 sur le marché chinois.
En adoptant cette mesure, la Chine s’inscrit dans une perspective de limiter drastiquement l’influence occidentale sur les entreprises chinoises et sur son marché intérieur. En outre, il s’agit surtout d’un front stratégique contre les États-Unis particulièrement. Ce front qui, par ailleurs, rappelle que les États- Unis sont engagés à travers l’OTAN dans une guerre dans l’Est européen. Et que la Chine croit en ses chances de fortifier davantage sa place de dauphin dans la perspective de devenir la première puissance économique mondiale avec une régulation de son marché international et national.
Dans l’annonce officielle, le gouvernement chinois va plus loin et fixe le cap stratégique en notifiant aux entreprises chinoises de négocier et de conclure les contrats arrivés à terme avec des concurrents chinois. En clair, il faut miser sur la compétitivité du marché intérieur et créer rapidement des géants chinois de la comptabilité, des services et des affaires.
La sécurité des données financières chinoises est un des arguments chinois mis en avant. En effet, dans le classement des firmes dans les domaines ciblés, la première firme chinoise du classement est quatrième (Pan-China).
Compte tenu de cet enjeu de sécurité des données financières, de la teneur des tensions économiques entre les États-Unis et la Chine et la guerre en Ukraine, la Chine ne compte pas laisser de place au hasard. Elle veut anticiper une plus grande implication des États-Unis dans la guerre en Ukraine en s’isolant comme l’a fait le géant américain pendant la seconde guerre mondiale. Le pays veut croire en ses chances de tirer profit de cette guerre. Par conséquent, avec cette posture, il n’y a aucune chance de voir le géant chinois s’immiscer dans la guerre dans l’Est européen : une façon d’avertir la Russie qu’elle fera cette guerre (que la Chine pense qu’elle va perdurer) sans des membres importants des BRICS dont la Chine et ses partenaires stratégiques directs du groupe. Et que le rôle de la Chine et des ses partenaires stratégiques se limitera à la production de matériel de guerre (que la Russie devra acheter), aux blocages et aux abstentions au conseil de sécurité de l’Onu.
Mohamed MAIGA, directeur général du cabinet Aliber Conseil et Bertin PANDI, directeur Aliber Conseil Centrafrique, consultant sur les dynamiques économiques en zone CEMAC