L’économie verte présente sans doute des atouts énormes pour la préservation de la biodiversité et la bonne santé de notre écosystème. Toutefois, d’un point de vue politique et économique, il y a lieu de s’interroger si ce modèle économique est bien évidemment adapté aux réalités et aux besoins actuels du continent africain.
La problématique du réchauffement climatique et de sa gestion au niveau international place l’Afrique devant un dilemme difficile. En effet, le continent doit faire face à deux exigences à la fois : d’une part l’exigence de se conformer aux normes internationales en matière écologique, et d’autre part l’impératif du développement économique qui passe nécessairement par l’industrialisation. Toutefois, l’on présente l’économie verte comme une panacée universelle pour tous les Etats du monde sans pour autant prendre en compte les spécificités économiques des uns et des autres.
Economie verte, qu’est-ce que c’est ?
Le concept d’économie verte renvoie à un modèle économique dont l’objectif est de produire des biens et services de manière durable, en limitant la consommation et les gaspillages des ressources (matières premières, énergies, eau) et la production des déchets.
L’économie verte présente un enjeu capital à l’heure où la communauté internationale est mobilisée pour la lutte contre le réchauffement climatique et la désertification. C’est un mode économique qui vise à maintenir le capital naturel. A ce titre, l’économie verte cherche à renforcer le bien-être économique tout en tenant compte des enjeux environnementaux et de la bonne santé de notre écosystème.
Les enjeux de l’économie verte pour l’Afrique
L’économie verte présente un enjeu important pour l’Afrique. Et les Chefs d’Etat du continent en sont conscients. C’est pourquoi, il y a juste une semaine, un sommet international sur le climat à Nairobi, au Kenya, a réuni plusieurs Chefs d’Etat du continent. Ledit sommet a débouché sur la signature d’un accord entre les parties qui ont pris ensemble un certain nombre d’engagements. Parmi ces engagements, il y a :
- Le développement des énergies vertes ;
- Le développement de l’agriculture verte ;
- Le développement d’une politique d’exploitation des mines plus respectueuses de l’environnement ;
- La création d’une nouvelle taxe carbone sur le continent ;
- Le développement d’une politique de financement international de l’ensemble de ces mesures.
Toutefois, malgré cette mobilisation massive des Chefs d’Etat africains autour de la question climatique, il y a lieu de souligner tout de même, les distorsions politiques et économiques que comporte la problématique du réchauffement climatique et de l’économie verte envers l’Afrique. A ce propos, d’aucuns parlent même d’injustice envers l’Afrique…
L’économie verte et le développement en Afrique
Malgré ses énormes potentiels en termes de ressources minières et naturelles (or, diamant, uranium, cacao, etc.), l’Afrique demeure le continent le moins industrialisé au monde. La plupart des Etats africains ont une balance commerciale déficitaire. Ce qui montre que le continent profite moins du commerce international. A ce titre il est important de rappeler que le commerce intra-africains ne représente que 10% du commerce général sur le continent.
En d’autres termes, le grand défi pour l’Afrique est celui de l’industrialisation et l’intégration économique. L’industrialisation permettra au continent de tirer profit au mieux des dividendes de l’exploitation de ses ressources minières et naturelles. En outre, l’industrialisation est un gage de croissance économique et donc de richesses. La transformation des matières premières sur place booste l’emploi et atténue à ce titre le chômage.
Cependant, tous ces efforts dans le domaine de la transformation et de l’industrie ne serviront pas à grande chose si les Etats africains ne créent pas au préalables les conditions favorables au commerce intra-africains. Ces conditions sont multiples et variées. Elles vont de l’intégration économique et la suppression des barrières douanières à la régulation de la concurrence et au renforcement de la paix.
En effet, l’économie a horreur de l’instabilité car elle fait fuir les capitaux et ne favorise pas l’investissement. Pourtant, le continent africain est actuellement le théâtre de toutes les formes d’instabilité : coups d’Etat ; guerres civiles ; rébellion ; terrorisme, etc. C’est un grand défi que les Etats du continent sont appelés à relever. Or sur ce plan, la réalité du terrain ne laisse pas beaucoup de place à l’optimisme dans la mesure où les organisations intergouvernementales chargées de la promotion de l’intégration sous-régionale sont elles-mêmes confrontées à une crise de confiance et de légitimité. C’est le cas principalement de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui fait face aujourd’hui à une épidémie de coups d’Etat, signe de son incapacité à faire face aux distorsions démocratiques et au marasme économique que vivement les populations ouest africaines.
Il faudra donc relever ces défis d’abord, et ensuite s’engager véritablement dans une politique viable d’intégration économique à l’échelle du continent, renforcer la dynamique d’une croissance économique inclusive, électrifier le continent au moins à hauteur de 80% d’ici l’an 2035 pour enfin véritablement parler d’économie verte en Afrique.
Ballan DIAKITE, Rédacteur en chef de L’Analyse de la semaine, Politologue