Une approche complexe de la notion de partenariat pourrait être une solution pour une meilleure appréciation de cette pratique professionnelle.
Prendre en compte la complexité, une réelle plus value au profit du partenariat
Le partenariat est une pratique complexe, et se rendre compte de cette complexité est un plus dans la pratique. Mais cela n’est pas simple. E. Morin dira que « la complexité est un mot problème et non un mot solution »[1]. Cela renvoie au fait qu’il semble plus intéressant de se méfier de la pensée simplifiante et tendre vers une forme de pensée plus sensible aux limites et aux carences. La pratique partenariale doit s’inscrire dans cette dynamique.
Deux niveaux de complexité sont mis en avant. Le premier consiste à dire que « la complexité est un tissus de constituants hétérogènes inséparablement associés »[2]. Ce qui est complexe, c’est donc ce qui pose le paradoxe entre « l’un et le multiple ». Dans ce sens le partenariat comme notion complexe va être perçu comme un élément contenant en lui un ensemble de dispositions n’ayant pas les mêmes caractéristiques mais qui sont liées entre elles.
En ce sens, le partenariat doit être nécessairement pensé dans sa complexité par les acteurs. Le partenariat, dans sa forme active renvoie à l’action. Les partenaires vont penser à l’action commune dans sa globalité.
Au regard de cet apport de Morin, l’action partenariale réussit par le fait qu’elle a été pensée dans sa complexité. Une action partenariale, dépourvue de réflexion ou qui n’intègre pas assez d’éléments de complexité peut conduire à des actions incomplètes, amputées et raccourcissantes. En évoquant cela, on pense aux pratiques dites “partenariales” enclenchées par un seul partenaire et reposant sur ce seul acteur. Ce cas de figure n’est pas par définition du partenariat.
Dans ce cas précis, on remarquera que les questions de partenariat entre l’Etat, les Collectivités Locales et les partenaires étrangers sont dominés par un seul acteur. Et c’est bien ce seul acteur qui tient ce qu’on va appeler le partenariat. Ainsi, par son implication, cet acteur va faire vivre seul une pratique qui est à construire et à faire vivre au minimum à deux car il y a à priori des intérêts communs.
Ces pratiques ne sont pas des pratiques partenariales mais les institutions précitées s’inscrivent davantage dans ce sens. Le partenariat se doit d’être une pratique réfléchie de façon systémique mais aussi dans le sens de la réciprocité afin qu’il ne soit pas l’objet de mise en difficultés des acteurs car c’est bien cela qui guette cette pratique.
Les actions, « fruits » de partenariats au niveau des collectivités locales, de l’Etat sont constamment en recherche de trois aspects : existence, consolidation et pérennité.
Quand l’Etat, les collectivités locales et les autres collectivités publiques rencontrent les partenaires, les objectifs sont évoqués très vite et les projets naissent assez rapidement. Il y a une volonté des acteurs d’aller vite à l’action. Différentes difficultés naissent souvent à ce niveau à la surprise des acteurs. Il y a souvent des imprévues, des tensions, des problèmes liés au pilotage des actions sans oublier la problématique liée au détournement et à la corruption.
Par ailleurs, là où la complexité pourrait apporter un plus, c’est dans la nécessité de faire exister les projets, consolidation et dans la pérennité. En parlant de faire exister les projets, on pourrait penser au projet de barrage hydroélectrique de Taoussa et bien d’autres.
Cette complexité permettrait d’être prudent pour mieux appréhender les multiples problématiques que les acteurs pourraient rencontrer. Très souvent, ce sont ces problématiques qui sont à l’origine de la fin des les projets. Et quand les projets se « ramollissent » et « s’éteignent » , il est toujours difficile pour ceux qui reviennent de refaire ce qui a été défait.
Il y a donc une sorte de « nécessité de la pensée complexe » autour des questions de partenariat au niveau de l’Etat et des acteurs territoriaux.
Morin évoque d’autre part la complexité sous une seconde forme. Cette dernière nous amène ainsi à percevoir ce qui est complexe comme ce qui est composé d’« un tissu d’événements, actions, interactions, rétroactions, détermination, aléas, qui constituent notre monde phénoménal … ».[3] Dans ce sens, le partenariat comme notion complexe doit amener à être vigilant une fois de plus à l’histoire du partenariat, aux différentes actions menées et aux différents échanges tenus. Mais également aux références d’actions passées et à tenir compte de ce que l’on ne maitrise pas.
A travers cet aspect de la pensée complexé, le partenariat est bien dans ce sens un projet conduit par un collectif avant d’être un engagement ou encore un contrat. Un projet de partenariat, c’est donc beaucoup d’interrogations et beaucoup de tentatives de compréhension avant de faire de l’action, de l’engagement et du contractuel.
Mieux appréhender les difficultés de la pratique partenariale
Une pratique partenariale qui a été mise en place après la prise en compte sérieuse des facteurs environnants à la pratique semble avoir plus de chance d’aboutir.
Il est à comprendre ici que le partenariat et le réseau sont des concepts d’origine néolibérale. Ils ont des fonctions précises dans la pensée néolibérale du travail et des relations humaines. Luc Boltanski et Eve Chiapello[5]évoque très bien le contexte et les fonctions.
Outre ces éléments, on remarque que le partenariat entre les collectivités publiques et les partenaires étrangers peine beaucoup à se tisser de façon équilibrée et atteindre certains objectifs principaux.
Le constat que feraient beaucoup d’acteurs en premier lieu, c’est qu’il y a de la tension et des rivalités dans les questions partenariales entre partenaires étrangers et collectivités publiques mais ces tensions sont très souvent analysées uniquement par le canal d’un indicateur émotionnel avec des logiques autoexplicatives. Les autres canaux d’analyse, souvent, les plus importants, sont mis à l’écart.
Plus encore, les partenariats sont animés par des stratégies politiques, économiques particulières. Ces stratégies sont malheureusement incomprises même si elles sont constatées. Et quand elles sont analysées, c’est souvent par un canal inapproprié. Et de ce fait, on trouve souvent un déséquilibre dans les transactions et dans les décisions finales de partenariat.
[1] MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe. Editions du seuil. 2005, P21
[2] MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe. Editions du seuil. 2005, P21
[3] MORIN Edgar, Introduction à la pensée complexe. Editions du seuil. 2005, P.21
[4] BERNARDI SYLVAIN, « La territorialisation de l’action sociale : une injonction à des partenariats déséquilibrés». Transcription de l’intervention à la 1ère Biennale UNAFORIS (Union Nationale des Associations de Formation et de Recherche en Intervention Sociale). 2010
[5] Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Coll. NRF Essais, Gallimard, 1999.