L’émergence d’ « élites locales jeunes » en Afrique : plus de questions que de réponses
La première critique qui peut être formulée aux politiques jeunesses du continent, c’est la tranche d’âge actuelle qui permet de définir la jeunesse (15-35 ans). Cette tranche d’âge est trop large. Ce, d’autant plus que la tranche des 15-24 ans représente plus de 200 millions d’individus et 40 % de la population est âgée de moins de 15 ans. Une redéfinition de la jeunesse se présente alors comme une nécessité. Cette nécessité est valable pour les Etats d’Afrique de l’Ouest notamment dans l’optique de mieux considérer les problématiques jeunesses sous un angle prospectif. Quelles seront les politiques prospectives d’éducation de la jeunesse pour l’émergence d’élites locaux jeunes? Quelles seront les politiques d’inclusion des jeunes dans la gouvernance locale et des jeunes filles en particulier ? Quelles vont être les principaux indicateurs d’inclusion des jeunes dans la gouvernance ? Va-t-on conserver les indicateurs actuels plus longtemps ? Toutes ces questions restent en partie sans de véritables réponses sur le continent.
Penser, parler et former des « élites locales » pour le développement des territoires
Evoquer le terme « local » pousse tout d’abord à faire une précision bien particulière. Selon là ou nous nous situons, le terme « local » peut avoir différentes interprétations. Il désigne un espace géographique, économique, sociologique et politique plus restreint en opposition à un espace géographique et sociologique plus vaste. C’est l’exemple de la Terre (plus vaste) et des continents (plus limités), du continent et des Etats, des Etats (communément dépositaire du sentiment de nationalité) et de ses entités décentralisées. Le « local » à un intérêt particulier dans son utilisation pour désigner des règles, des valeurs de vivre ensemble à une échelle géographique, économique, sociologique et politique plus petite. Cette précision devrait intéresser davantage les gouvernants car il serait utile d’entendre sur le continent plus de discours de promotion autour de ce terme « élites locales ». Le continent a besoin de former plus de jeunes aux enjeux de la gouvernance locale et territoriale. Pour pouvoir bénéficier d’administrations locales effectives, fonctionnelles et efficaces, d’ici 2045, il est nécessaire de miser maintenant sur une formation technique de qualité pour les jeunes. Rappelons que les statistiques prévoient qu’en Afrique, d’ici 2045, pour la tranche d’âge des jeunes 15-24 ans, on passerait de 200 millions à 400 millions soit le double. Ces chiffres devraient davantage attirer l’attention dans la mesure où aujourd’hui, sur la tranche des jeunes 15-24 ans, plus de 60% sont au chômage et plus de la moitié sont de jeunes femmes en marge de toute perspective d’insertion professionnelle. Enfin, la précision autour de ce terme est également importante dans la perspective d’évoquer trois piliers préalables qui permettraient d’asseoir le rôle de la jeunesse dans la gouvernance locale.
Les piliers de l’émergence d’une élite locale jeune
Les trois piliers qui vont être évoqués sont entièrement interdépendants. Il s’agit de la cohésion sociale. En termes simples, le préalable d’une société dans laquelle les membres sont unis par des valeurs communes et/ou des règles de vie commune auxquelles tous adhèrent. Dans ce sens, le retour de la stabilité est plus qu’essentiel notamment au Sahel mais c’est aussi une occasion particulière pour créer un environnement favorable à l’implication de la jeunesse sur les questions locales. Le second pilier préalable est le sentiment d’appartenance locale et nationale. Malgré tout ce que l’on peut entendre et constater autour de la « bonne gouvernance » et de l’implication de la jeunesse dans un processus de « bonne gouvernance » locale et nationale, il sera difficile de construire un tissu de gouvernance locale et nationale sans ce préalable sentimental à minima. Celui de la reconnaissance des uns et des autres aux valeurs, traditions, coutumes locales. Pour le sociologue québécois Guy Rocher, « appartenir à une collectivité, c’est partager avec les autres membres assez d’idées ou de traits communs pour se reconnaître dans le « nous » » (Rocher, 1968). Il existe un troisième pilier préalable, la création de sens ou le sensmaking de K. Weick (1995). Le sensmaking renvoie à un processus de construction de liens, de représentations et de compréhension de ce qui se passe dans notre environnement. Nous avons besoin de donner du sens aux informations que l’on a de notre environnement et d’interpréter ce que l’on comprend. La création de sens est donc essentielle pour deux raisons particulières. Elle crée l’interdépendance entre la cohésion sociale et la gouvernance. C’est le ciment. La seconde raison est que la jeunesse a besoin de sens et davantage aujourd’hui.