La démission de Sébastien Lecornu, troisième Premier ministre à quitter son poste depuis 2024, plonge la France dans une crise politique rare sous la Ve République. Entre instabilité gouvernementale et rejet croissant du pouvoir en place, Emmanuel Macron fait face à une défiance profonde, symptôme d’une gouvernance épuisée et de plus en plus isolée.
Par Issa Djiguiba – ADS – 06/10/2025
Depuis plusieurs semaines, la scène politique française s’enlise dans une succession d’événements qui traduisent un malaise institutionnel profond. En remettant sa démission à Emmanuel Macron le 6 octobre 2025, Sébastien Lecornu, nommé à peine un mois plus tôt, a mis fin au gouvernement le plus éphémère de la Ve République. Son départ, après ceux de François Bayrou et de Michel Barnier au cours des douze derniers mois, illustre la fragilité d’un pouvoir confronté à une fragmentation politique sans précédent depuis les législatives de 2024.
À l’origine de cette instabilité, un Parlement éclaté, sans majorité claire, et un président qui peine à trouver un équilibre entre compromis et autorité. Chaque tentative de recomposition du gouvernement s’est soldée par des tensions internes et des revers parlementaires, jusqu’à rendre quasi impossible toute action durable. Le cas Lecornu, pourtant considéré comme un fidèle du président, en est la démonstration la plus flagrante. Son gouvernement, perçu comme trop proche des cercles du pouvoir, n’a jamais réussi à convaincre ni les partis d’opposition, ni une opinion publique déjà lassée des promesses de renouvellement.
Au-delà du simple jeu politique, c’est la relation entre le chef de l’État et les Français qui semble s’être brisée. La défiance envers Emmanuel Macron atteint des niveaux préoccupants, selon plusieurs études d’opinion récentes. Une large majorité estime que le président n’est plus en mesure de rassembler autour d’un projet cohérent. Cette perte de confiance n’est pas seulement politique, elle traduit une fracture sociale et symbolique, nourrie par le sentiment que les décisions se prennent désormais loin des citoyens, dans un cercle restreint au sommet de l’État.
Les critiques formulées à l’encontre de la gouvernance Macron convergent : manque d’écoute, centralisation excessive, incapacité à incarner le changement promis. Trois gouvernements se sont succédé sans infléchir la trajectoire, renforçant le sentiment d’usure et de répétition. Pour beaucoup d’observateurs, cette série d’échecs révèle moins l’incompétence des Premiers ministres que la difficulté d’un président à déléguer réellement le pouvoir, préférant maintenir un contrôle étroit sur la machine exécutive.
Dans ce climat de lassitude politique, Emmanuel Macron se retrouve plus que jamais à la croisée des chemins. Dissoudre l’Assemblée nationale risquerait de renforcer les extrêmes, tandis que nommer un nouveau Premier ministre pourrait n’être qu’un répit temporaire. Le président, déjà affaibli sur le plan intérieur, voit sa marge de manœuvre se réduire à mesure que les crises s’enchaînent et que la confiance populaire s’effrite.
La France traverse ainsi une période de doute profond, où la stabilité institutionnelle elle-même paraît menacée. La gouvernance Macron, contestée par l’opposition et critiquée par une majorité d’électeurs, symbolise désormais un modèle de pouvoir épuisé. Reste à savoir si le chef de l’État saura inverser la tendance, ou s’il sera condamné à incarner, jusqu’au bout, l’image d’une présidence déconnectée d’un peuple qui, de plus en plus, semble lui tourner le dos.