Présente au cœur du pouvoir depuis les premières heures des indépendances, la famille Bongo était devenu le fond de toile du paysage politique du Gabon. Le renversement du président Ali Bongo Odimba, fils et successeur d’Omar Bongo, apparait comme un véritable séisme dans l’écosystème de ce pays.
Au pouvoir à Libreville depuis 1967, ils étaient presque devenus intouchables et aucun d’entre eux ne pensait que le règne familial prendra fin. Même si l’échec de l’organisation des élections combinées étaient assez flagrant, un coup d’Etat militaire était sans doute lointain dans les esprits. L’histoire de la famille Bongo à la tête du Gabon prend ainsi fin … ou presque.
L’échec d’un scrutin à huis clos
C’était sans doute inattendu, mais le clan Bongo l’a fait et sans que cela ne provoque de bruit. Pour organiser les élections combinées, le Gabon n’a fait appel à aucune organisation pour jouer le rôle d’observateurs comme on a l’habitude de le voir en Afrique. De plus, le clan Bongo a fermé la perspective d’une supervision internationale des élections, il a interdit que des journalistes étrangers couvrent le scrutin et enfin le clan Bongo a fermé la perspective d’une supervision du scrutin par des observateurs de la société civile gabonaise. A cet effet, il y avait déjà de quoi craindre une manipulation massive des résultats. D’ailleurs, l’opposition avait rapidement dénoncé « des manœuvres pour une manipulation des résultats » et pour aller plus loin, l’un des principaux opposants à Ali Bongo Ondimba s’était déclaré vainqueur avant même la fin du scrutin.
Finalement, le pire est arrivé … très vite
Très tôt ce mercredi 30 août 2023, un groupe d’officiers supérieurs ont mis fin au pouvoir du président Ali Bongo, qui selon les résultats du scrutin, venait d’être réélu pour un troisième mandat. Tout est parti très vite et on aura entendu finalement aucun coup de feu comme il est désormais coutume en Afrique pour les putschs militaires. On aura juste vu à la télévision gabonaise, l’intervention des nouveaux successeurs du clan Bongo Ondimba mettant fin au « régime en place » au Gabon et annonçant par la même, la dissolution de « toutes les institutions de la République ». Quelques heures plus tard, les putschistes ont fait une nouvelle déclaration annonçant le « maintien du couvre-feu institué « jusqu’à nouvel ordre ».
Le clan Bongo Ondimba … disparait dans la fumée du feu sahélien ?
Rien ne dit que le nouvel homme fort de Libreville inscrit son acte dans la même consistance qu’au Sahel. En effet, le Gabon est bien loin encore de la crise sécuritaire profonde qui mine le Sahel. Cependant, une chose semble de plus en plus certaine, le vent des coups d’Etat au Sahel rend les changements de régimes beaucoup plus faciles. Et les militaires gabonais qui viennent de renverser Ali Bongo Ondimba ont sans doute bénéficié de la fumée du feu sahélien. Il faut par ailleurs attendre encore pour connaitre et comprendre la consistance que le conseil transitoire va donner à son coup. Bien qu’en annonçant « respecter les engagements internationaux » et en rétablissant aussitôt l’accès à internet, qui avait été coupé pendant le scrutin, les nouveaux maîtres des lieux n’ont donné aucune orientation sur ce qu’ils comptent faire.
Couper le lien avec la France et rejoindre la perspective des coup d’Etat au Sahel ?
Pour aborder ce qui risque de se passer, il faut sans doute s’intéresser au personnage principal de ce coup de force. Le désormais général putschiste Brice Oligui Nguema était jusqu’à ce coup de force, le commandant en chef de la Garde républicaine du Gabon. Il a été nommé ce mercredi soir 30 août « président de la Transition ». Le général Brice Oligui Nguema est tout d’abord un homme très proche de feu Omar Bongo Ondimba, l’ancien chef d’État du Gabon et celui qui aura installé la dynastie Bongo Ondimba au Gabon. Entre 2005 et 2009, il a été de tous les lieux avec Omar Bongo Ondimba. A ce titre, il apparait comme un autre « héritier illégitime » de l’ancien patriarche gabonais et acteur clé de ce qui a été appelé la « FrançAfrique ». Après la disparition de Omar Bongo Ondimba en 2009, le général Brice Oligui Nguema est carté totalement du cercle du pouvoir par le clan de Ali Bongo Ondimba qui venait d’être élu pour un premier mandat. Il sera mis aux oubliettes pendant au moins 9 longue années, loin de Libreville et du pouvoir. Il occupe alors des postes de représentation militaire dans les chancelleries gabonaises au Maroc, au Sénégal, en Allemagne également. Finalement, il n’a été appelé qu’après que le clan en place ait constaté une fragilisation importante du pouvoir avec notamment la maladie de Ali Bongo.
Alors, au regard de ce CV et l’héritage, rien ne prédit que le général Brice Oligui Nguema va rompre cette relation avec la France. Ce coup ressemble plutôt à une rupture interne, en d’autres termes un changement de lignée pour l’exercice du pouvoir au Gabon.
Dramane DIARRA, analyste chez L’Analyse de la semaine