Depuis plus d’un quart de siècle, le secteur de l’éducation du Mali est confronté à une crise sans précédent, pour plusieurs raisons, notamment l’insuffisance d’enseignants, de documents, la mauvaise utilisation des ressources financières et humaines, la pléthore d’effectifs, les grèves intempestives des enseignants, celles des élèves et étudiants. Tout en engendrant des années scolaires et universitaires incomplètes, voire blanches, ce phénomène conduit à une baisse considérable de niveau des élèves et étudiants.
Au Mali, les séries de grèves semblent être devenues une coutume dans le secteur de l’éducation, notamment dans les Institutions d’enseignement supérieur (IES). À un pas du début des examens de fin d’année 2022-2023, un mouvement de grève persiste depuis plus de trois mois dans les Institutions d’enseignement supérieur (IES) du Mali. Ce mouvement de grève déclenché par les enseignants depuis près de quatre mois a occasionné une paralysie totale dans la plupart de ces établissements, où les cours n’ont pas encore commencé.
De 1991 à nos jours, l’école malienne a été régulièrement marquée par des séries de grèves avec diverses revendications en fonction des corporations et de la particularité des différents régimes. Les grèves de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) sont généralement liées à leurs conditions d’études, qu’ils jugent déplorables, notamment le retard dans le paiement des trousseaux et bourses. Ainsi, depuis 1994, qui fut une année blanche, il ne s’est pas passé une seule année sans que les années scolaires ou universitaires ne soient confrontées à des grèves de durée plus ou moins longue, provoquées soit par les enseignants ou l’Association estudiantine, dont les bourses sont toujours payées en retard, alors que la majorité des étudiants maliens sont issus des milieux ruraux et ne comptent que sur ces sous pour pouvoir vivre et étudier.
En 2010, l’enseignement supérieur a connu une grève de quatre mois
Cinq ans plus tard (2015), la Faculté des sciences humaines et des sciences de l’éducation (FSHSE) a connu une année blanche pour des problèmes internes. Si les ordres d’enseignement fondamental, secondaire général, préscolaire et spécial sont épargnés par le fléau ces dernières années, le phénomène persiste toujours dans les universités publiques où les cours sont en arrêt depuis près de quatre mois.
« À ce jour d’aujourd’hui, les bacheliers de 2022 dans la majorité des Facultés, instituts et grandes écoles du Mali n’ont pas encore commencé les cours », déplore dans un communiqué du 15 mai 2023, le Bureau de Coordination de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Pourtant, nous sommes à un pas du Baccalauréat où les bacheliers de 2023 seront en route vers les universités. Toute chose qui risque de provoquer une pléthore dans ces établissements d’enseignement supérieur.
Multiplication des écoles privées
Au-delà de ce paramètre, l’école malienne soufre d’énormes autres problèmes auxquels l’Etat doit trouver un moyen pour sortir de ce cycle infernal. Il s’agit de la multiplication des écoles privées. Selon les statistiques, le nombre d’écoles privées maliennes dépasse largement celles des écoles publiques, notamment les lycées et les instituts de formation technique et professionnelle privés. Avec la multiplication de ces structures scolaires privées, l’école publique est de plus en plus délaissée par la population, pour se tourner vers les écoles privées qui sont moins touchées par les effets de ces multiples grèves. Cette situation constitue un véritable danger pour la bonne marche de l’école malienne au point que d’aucuns craignent de la privatisation de l’école. La dernière grève du Groupement des associations des promoteurs d’écoles privées du Mali (GAPEPM) en mars dernier reste une belle illustration. Une amélioration des conditions de formation, de travail, de vie et du salaire des enseignants maliens sera nécessaire afin d’éviter les grèves à répétition et de rehausser le niveau des résultats des élèves et des étudiants aux différents examens.
La grève est certes un droit pour les travailleurs, en vue de revendiquer une amélioration de conditions de vie et de travail. Mais faudrait-il respecter les normes qui régissent le bon fonctionnement du secteur ? Combien d’écoles privées remplissent les modalités de création et d’ouverture d’établissement ?
En plus, bien qu’étant des partenaires de l’Etat, la plupart de ces établissements n’emploient pas généralement de personnels qualifiés, notamment en ce qui concerne les enseignants chargés des cours. Raison pour laquelle, ceux-ci sont généralement exploités parce qu’en plus de n’avoir pas un taux d’horaire conforme aux normes, ils travaillent sous crédit, en entendant le paiement des subventions, dont le non-paiement conduit à des arrêts de travail par les promoteurs d’écoles.
Construire plus de salles de classe dans les écoles publiques
Les autorités maliennes doivent travailler à trouver une solution fiable et pérenne à cette situation à travers la construction de beaucoup de salles de classe dans les écoles publiques où les espaces ne manquent pas pour en construire. Ces établissements publics peuvent également être modernisés en les surélevant comme on le voit déjà avec quelques lycées publics à Bamako. Une pratique que l’on pourrait reprendre dans toutes les régions administratives du pays. Car les enfants sont l’avenir du pays. Investir pour assurer à ces « petits » de l’homme un avenir radieux n’a pas de prix.
Bakary Fomba, Journaliste pour l’ADS