Le dimanche 21 septembre 2025, la Guinée a voté sur une « nouvelle constitution » qui permettrait au général Mamady Doumbouya de se maintenir au pouvoir — en trahissant les promesses de la transition. Boycott massif, tensions explosives, regards internationaux rivés : retour sur ce référendum qui pourrait sceller un basculement autoritaire… ou déclencher la tempête.
La nouvelle constitution, qui prolonge la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans et le rend renouvelable une fois, suscite une vive polémique en Guinée. Elle prévoit également la création d’un Sénat, dont un tiers des membres seraient nommés directement par le chef de l’État. Ces dispositions, perçues par beaucoup comme un retour à un système semi-présidentiel fort, rappellent les dérives des régimes passés, marqués par une concentration accrue du pouvoir exécutif.
Le problème majeur réside dans le fait que cette proposition constitutionnelle semble contredire les engagements initiaux du régime de transition. En effet, la charte de transition adoptée en 2022 stipulait clairement que les membres du gouvernement transitoire ne pourraient pas se présenter aux prochaines élections présidentielles. Or, en permettant implicitement au général Doumbouya de briguer la présidence, ce texte apparaît à beaucoup comme une trahison des principes initiaux de la transition en cours depuis quatre ans (septembre 2021).
Une opposition unie dans le rejet
Face à ces évolutions, les deux principales figures de l’opposition politique guinéenne, Cellou Dalein Diallo et l’ancien président Alpha Condé, ont uni leurs voix pour appeler au boycott du référendum. Leur position repose sur la conviction que ce texte constitutionnel est une manœuvre visant à légitimer une prise de pouvoir à long terme par le général Doumbouya, au mépris des aspirations démocratiques du peuple guinéen.
Le boycott, s’il est massif, pourrait affaiblir la crédibilité du processus et fragiliser davantage un pouvoir déjà contesté. Mais il risque aussi de creuser le clivage entre une population lassée par des décennies d’instabilité politique et un appareil de transition accusé de vouloir s’éterniser au pouvoir.
Un contexte historique lourd de tensions
La Guinée, pionnière de l’indépendance en Afrique francophone en 1958 sous la houlette de Sékou Touré, a connu une histoire politique tumultueuse. Succession de coups d’État, régimes autoritaires, ouvertures démocratiques avortées et tentatives de réformes ont rythmé la vie politique du pays. Le coup d’État de septembre 2021, mené par Mamady Doumbouya, avait suscité un espoir de renouveau, porté par des promesses de lutte contre la corruption, de bonne gouvernance et de retour à l’ordre constitutionnel.
Mais aujourd’hui, ce même chef de la transition est accusé de détourner le processus démocratique. Son gouvernement, composé en partie de technocrates et de représentants de la société civile, est perçu par ses détracteurs comme un habile leurre destiné à masquer une reconversion autoritaire.
Enjeux régionaux et internationaux
L’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont déjà exprimé leur inquiétude face à l’évolution de la situation en Guinée. Un éventuel basculement vers un régime autoritaire pourrait nuire à la stabilité régionale, alors que la sous-région fait face à de multiples crises politiques et sécuritaires.
Par ailleurs, la communauté internationale, notamment les partenaires occidentaux, observe de près les développements. Un référendum contesté pourrait entraîner de nouvelles sanctions ou un isolement diplomatique, mettant en péril les perspectives de développement et d’aide au pays.
Vers une impasse démocratique ?
Ce référendum constitutionnel risque de cristalliser les frustrations d’une population en quête de stabilité politique et de justice sociale. S’il est approuvé dans des conditions jugées non transparentes ou contestées, il pourrait enclencher un cycle de contestations populaires et de tensions institutionnelles. À l’inverse, un rejet du texte par le peuple pourrait pousser le pouvoir à revoir sa copie, ouvrir la voie à un dialogue national inclusif et véritablement participatif.
Ce dimanche, les Guinéens tiennent entre leurs mains un choix lourd de conséquences. Leur vote, ou leur abstention, ne portera pas seulement sur un texte constitutionnel, mais sur l’avenir même de leur pays : continuer sur la voie d’une transition honnête et limitée dans le temps, ou basculer dans une nouvelle forme de gouvernance autoritaire, sous couvert d’une modernisation institutionnelle.
Dans un pays où la mémoire des luttes pour la démocratie est encore vive, ce référendum est plus qu’un simple exercice politique : c’est un test de maturité démocratique. Et pour l’heure, les signaux sont plutôt inquiétants.
Bakary Fomba, journaliste à l’ADS