Cette web conférence présentée par M. NDIAYE, la seconde d’une série de trois conférences dédiées aux opérations psychologiques, a eu pour but de sensibiliser l’audience sur le recours par des Etats étrangers aux Opérations Psychologiques (Psychological Operations – Psyops) dans les secteurs éducatifs africains.
M. NDIAYE a dans un premier temps expliqué ce que sont les comportements humains et comment les Etats les manipulent pour atteindre des objectifs spécifiques. Définis comme une « manière d’être, d’agir ou de réagir des êtres humains », un comportement est, selon « Field Manual: Psychological Operations, 3-5.301 » (« Manuel de terrain : Opération psychologiques »), publié par le Département de l’Armée étasunienne en 2007, déterminé par des « conditions » (causes) et provoque des « conséquences » (effets).
Les « conditions » pouvant être internes (attitudes, valeurs morales, croyances) ou externes aux individus (situations, événements), vont les pousser à agir pour atteindre des besoins, provoquant ainsi des conséquences qui peuvent être positives (le comportement permet d’atteindre le résultat escompté) ou négatives pour leurs auteurs (le comportement provoque des effets négatifs pour son auteur tel que sa mise en danger physique, sa perte de crédibilité, sa perte d’argent ou de privilèges, etc.). Les conséquences positives, augmentent les probabilités qu’un comportement soit ré-adopté et celles négatives augmentent les probabilités qu’un comportement « bis » soit adopté.
De là, M. NDIAYE s’est attardé à expliquer ce qu’est une « Opération Psychologique » (Psychological operations – PSYOP). Toujours d’après le field manual du Département de l’Armée étasunienne, les PSYOP consistes à modifier les « conditions » et les « conséquences » des comportements de groupes d’individus ciblés pour altérer leurs états psychologiques et les inciter à adopter des comportements favorables aux objectifs opérationnels, tactiques ou stratégiques fixés par l’Etat à l’origine de l’opération.
L’armée étasunienne distingue trois types d’Opérations Psychologiques en fonction des objectifs fixés. Les PSYOPs « tactiques » ont des objectifs de court-terme contre des forces ennemies et en soutien à des opérations conduites par des unités tactiques (ex : forces spéciales.). Les PSYOPs « opérationnels » font référence à des objectifs de moyen terme en soutien à des campagnes militaires régionales.
Enfin, les PSYOP « stratégiques », l’objet de la webconférence, ont des objectifs larges et de long terme visant à créer un environnement international favorable aux activités militaires, politique, diplomatique et économique de l’Etat.
En pratique, les opérations psychologiques, développées par des sections spécialisées des forces armées des Etats, sont composées de « Séries », elles-mêmes composées de « Produits psychologiques » dont le but est de modifier les conditions et conséquences perçues des audiences cibles (ex : article de journal, une séquence au Journal télévisé, un livre, une émission de radio, un compte twitter etc.), et d’ « actions psychologiques » vouées à modifier les conditions et les conséquences réelles des comportements des audiences cibles (ex : Bombardements d’attrition, rencontres diplomatiques, aide au développement etc.).
Au regard de la littérature en sciences humaines et sociales occidentale sur la socialisation d’une part (Emile Durkheim) et sur le rôle de l’éducation dans le façonnement d’individus utiles à l’Etat d’autre part (Michel Foucault), M. NDIAYE a suggéré que le recours aux Opérations psychologiques dans les secteurs éducatifs africains est inévitable.
Le conférencier s’est basé sur des faits historiques documentés que sont « la bible des esclaves » et l’éducation coloniale française sous la IIIème République pour illustrer la manière dont de telles pratiques ont bel et bien été employées sur les populations africaines et afro-descendantes depuis plusieurs siècles.
Après cela, M. NDIAYE a suggéré que les projets d’aides au développement conditionnés de la Banque mondiale visant à démocratiser l’accès aux manuels scolaires dans les Etats « en voie de développement », des années 1990 à nos jours, ont permis aux anciennes puissances coloniales, dont la France, de perpétuer la dissémination de PSYOP stratégiques dans les systèmes éducatifs africains.
Enfin, M. NDIAYE a suggéré que selon ses données, il y a une forte corrélation entre le lieu d’étude d’un chef d’état et les relations diplomatiques qu’il entretiendra avec l’état responsable de son éducation.
A l’issue de la présentation, l’intervenant et l’audience, composée de professeurs en sciences humaines et sociales et d’acteurs de la société civile, se sont engagés dans une discussion passionnante sur les méthodes permettant de contre-carrer les opérations psychologiques stratégiques menées en Afrique.
Synthèse de la web conférence du 10 juin 2023 organisée par Ecole Politique Africaine en partenariat avec Affaires Africaines.