Alors qu’on a assisté pratiquement à l’assemblée générale des Nations unies la plus tendue et la plus délicate de l’histoire à plusieurs égards, rien dans les discours des grandes puissances n’a pu empêcher l’Iran de passer à l’acte.
Un acte irréversible de guerre
C’est dans un climat de tensions progressives et dangereuses, depuis le 7 octobre 2023, que l’Iran a lancé hier 2 octobre 2024, la plus grande attaque de missiles balistiques de l’histoire contre son ennemi régional, Israël. Au total, plus de 400 missiles balistiques ont été tirés des installations iraniennes vers des cibles stratégiques de l’État hébreu, des cibles essentiellement militaires. Selon les gardiens de la Révolution Iranienne, 90% des objectifs des tirs ont été atteints. La réaction israélienne ne s’est pas faite attendre. Quelques heures après l’attaque, le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou a fait savoir que l’ « Iran venait de faire une grande erreur » et a fait savoir que « quiconque nous attaque, nous l’attaquons ».
La fin des attaques de « Proxys »
Les attaques iraniennes d’hier signent non seulement le début d’un embrasement possible du moyen orient, mais elles signent davantage la fin des attaques menées par les « proxy » iraniens dans la région. La guerre intense menée par l’État hébreu depuis le 7 octobre 2023 contre le Hamas (les islamistes palestiniens), le Hezbolla libanais et les Houthis du Yémen, les groupes syriens et iraquiens proches de l’Iran a contribué à affaiblir certains proxys très actifs. La mort, il y a quelques jours de chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrahalla a finalement prouvé à l’Iran que le gouvernement du premier ministre Netanyahou ne s’arrêtera pas cette fois et les raisons internes comme externes sont suffisamment nombreuses. Et l’Iran ne peut pas accepter de voir ces proxys réduits à néant.
Au-delà des morts de Gaza et du Liban
Cette guerre régionale que l’État hébreu qualifie de guerre contre l’ « axe du mal » est certainement la guerre d’influence la plus importante encore active. Et elle risque d’être un tournant majeur de la stabilité dans le monde et contient les substances d’un changement du paradigme mondial. En ce sens, les 41 000 gazaouis morts sous les bombes israéliennes et les milliers de morts libanais ne pèsent pas dans la balance. Le soutien occidental à Israël « n’est pas négociable ». On l’a encore aperçu clairement hier après l’attaque israélienne sur des sites israéliens. Les réactions occidentales ont été quasiment instantanées. Les États-Unis ont condamné l’attaque et sont prêts à se coordonner avec Israël pour mener une contre-offensive. De même, les instances de l’Union européenne et pays comme la France ont réaffirmé cette même position. Du côté des soutiens iraniens, la réaction est restée timide et beaucoup moins directe. La Russie, qui se bat sur un front complexe et actif, a déclaré que la montée des tensions au moyen orient n’était rien d’autre que la « preuve de l’échec américain dans la stabilisation du moyen orient ». Quant aux autres soutiens iraniens, ils ont presque tous appelés à un cessez le feu et aux actions militaires iraniennes.
Les hypothèses d’évolution sont toutes dangereuses
- Le changement de paradigme iranien : Il s’agit de la seconde fois que l’Iran tire sur Israël en seulement quelques mois, ce, alors même que cette perspective était jusque-là restée de l’ordre de la menace. En somme, elle résume aujourd’hui, un changement de paradigme du côté iranien. L’Iran n’hésitera plus à tirer. Sachant bien cette novelle donnée, l’État hébreu sera également actif. Il ripostera, c’est certain, et, avec ses alliés à ses côtés. Cette perspective confirme clairement l’entrée dans une spirale infernale de violence au moyen orient dont la fin est incertaine et meurtrière.
- La perspective nucléaire plus que jamais : Sachant bien que les attaques sur les installations nucléaires n’est aujourd’hui plus la ligne rouge qu’elle était, il y a encore vingt ans en arrière, il est bien possible que d’un côté comme de l’autre, des sites soient visés. C’est donc un désastre.
- L’embrasement pour lever les incertitudes : les États-Unis ont la main sur le moyen orient depuis plusieurs décennies. Cependant, l’Iran, la Syrie et l’Irak notamment (soutenus par la Russie, la Chine) contestent cette influence. D’une part, les évènements au moyen orient depuis un ans au moins montrent effectivement qu’on a atteint un niveau d’usure de la donnée stabilisante américaine. Ce qui par ricochet contraint les américains à prouver d’une manière ou d’une autre qu’ils sont toujours aussi influents et capables de maintenir la stabilité dans la région. Dans ce contexte, les affrontements entre blocs sont presque inévitables dans la région.
Par Alassane Cissé pour L’Analyse de la semaine – ADS