Pour la levée progressive des sanctions imposées au Mali, la CEDEAO propose aux autorités transitoires l’adoption rapide d’un chronogramme « acceptable ». L’organisation sous-régionale demeure sur son pied de guerre à l’endroit de Bamako, estimant qu’une transition de cinq ans est tout simplement « inacceptable ».
Réunis en session extraordinaire jeudi 3 février 2022, à Accra, les Chefs d’État et de Gouvernement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont invité les autorités maliennes à proposer dans un bref délai, un chronogramme « acceptable » afin de permettre la levée progressive des sanctions imposées au pays depuis le 9 janvier 2022.
Près d’un mois après les sanctions économiques et financières imposées au Mali par la CEDEAO et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la CEDEAO a organisé le 3 février dernier, un sommet extraordinaire dont le but était d’examiner les récentes évolutions politiques intervenues au Burkina Faso, en Guinée et au Mali. Cela, afin d’œuvrer au rétablissement de l’ordre constitutionnel dans ces pays ouest-africains frappés à tour de rôle par la « pandémie » de coups d’État militaires. La Guinée-Bissau, quant à elle, a échappé lundi dernier au phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans cette région ouest-africaine et qui jette de plus en plus de discrédit sur l’image même de la CEDEAO auprès de l’opinion publique.
Un chronogramme « acceptable »
À la veille du sommet extraordinaire du 9 janvier dernier à Accra, où le Mali a été fortement sanctionné par la CEDEAO et l’UEMOA, les autorités maliennes avaient fait une nouvelle proposition de quatre ans de prorogation de la période transitoire. Cela, après que celles sorties de la marmite géante des Assises nationales pour la refondation de l’Etat (ANR) (six mois à cinq ans) aient été rejetées par l’Organisation. Jugeant « inacceptable » qu’un régime militaire reste au pouvoir pendant un quinquennat, la CEDEAO, lors de son dernier sommet extraordinaire sur la situation au Burkina Faso, en Guinée et au Mali, a demandé un chronogramme « acceptable » de la part des autorités transitoires du Mali.
Pour l’Organisation, cet acte permettra la levée progressive des sanctions tant économiques et financières imposées au pays depuis près d’un mois. C’est ainsi que la CEDEAO marque son attachement à l’établissement rapide de l’ordre constitutionnel dans ce pays sahélien.
Dans son communiqué final, la CEDEAO affiche son regret quant à l’absence de la mise en place d’un calendrier électoral par les autorités maliennes, pour se conformer aux décisions de la Conférence. « En conséquence, la Conférence décide de maintenir en place toutes les sanctions imposées au Mali, conformément à la décision prise le 9 janvier 2022 ; d’inviter les autorités maliennes à proposer rapidement un chronogramme acceptable à la CEDEAO afin de permettre la levée progressive des sanctions ; rester saisie de la situation au Mali », indique le communiqué final.
Un traitement partisan des coups de force ?
Après le coup de force d’août 2020 au Mali, l’organisation sous-régionale a immédiatement pris des sanctions contre le Mali, en suspendant le pays de ses organes de décision « avec effet immédiat », mais aussi en fermant « toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que de l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières entre les autres pays membres de la CEDEAO et le Mali ». Invitant par la même occasion « tous ses partenaires à faire de même ».
Cependant, la CEDEAO n’a jusque-là adopté aucune sanction économique encore moins financière à l’encontre de la Guinée et le Burkina Faso, malgré les coups d’État récents dans ces pays voisins du Mali. L’organisation s’est juste contentée de suspendre ces pays de ses institutions.
Au cours de son sommet extraordinaire du 3 février dernier, les Chefs d’État de la CEDEAO ont formulé deux recommandations aux militaires au pouvoir au Burkina Faso. Il s’agit de la libération du président déchu Roch Marc Christian Kaboré et la présentation d’un chronogramme « assez raisonnable » de sortie de crise.
Au regard de cette situation, ne faut-il pas se demander si la CEDEAO fait un traitement partisan de ces coups de force ? Ne s’agit donc plus d’une question d’application de principes communs ? Aurait-elle décidé de sanctionner plus durement le Mali en raison de son effet contagieux dans la sous-région ? Autant de questions auxquelles il est difficile de donner ipso facto une réponse claire et nette. En tout cas, la relation diplomatique entre Paris et Bamako reste très tendue ces derniers temps. Toute chose qui a conduit à l’expulsion de l’ambassadeur de la France au Mali.
Toutefois, à l’ouverture du dernier sommet sur la situation dans ces pays, le président en exercice de la CEDEAO, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, a reconnu que le coup d’État au Mali a été « contagieux » parce qu’il a déclenché une tendance dangereuse conduisant à d’autres coups d’État dans la région. « Abordons cette tendance dangereuse collectivement et de manière décisive avant qu’elle ne dévaste toute la région », a-t-il déclaré.
Pour rappel, indique son communiqué, la CEDEAO reste disponible à travailler, en collaboration avec l’Union Africaine et les Nations Unies, en vue d’apporter l’appui technique nécessaire aux autorités du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali, pour les aider dans la mise en œuvre du calendrier accepté.
Mais aux yeux de l’opinion publique, la façon de traiter ce dossier des coups de force militaire contribue à décrédibiliser davantage l’image de l’institution ouest-africaine dans la mesure où beaucoup d’internautes avertis doutent de son impartialité face à la situation.