La crise entre le Mali et l’Algérie, exacerbée par l’incident du 1er avril 2025, où un drone malien a été abattu par les forces algériennes près de Tin-Zaouatine, met en lumière des tensions de plus en plus profondes non seulement entre ces deux pays, mais également au sein de toute la région du Sahel. Cet affrontement pourrait avoir des répercussions bien au-delà de la simple relation bilatérale, affectant l’équilibre géopolitique et la coopération régionale, notamment au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Des accusations croisées
L’Algérie a immédiatement justifié l’abattage du drone malien en invoquant des preuves techniques, telles que des données radar, qui, selon elle, démontrent que le drone a violé son espace aérien. Cette mesure a été présentée comme une réponse nécessaire à des violations répétées de son territoire par des drones maliens. De son côté, le gouvernement malien a fermement rejeté ces accusations, qualifiant cette action d’agression contre sa souveraineté, en particulier dans un contexte où le pays est engagé dans une lutte active contre le terrorisme. Selon Bamako, ce drone était en mission légitime de surveillance dans le cadre des efforts de sécurisation du pays face aux menaces terroristes grandissantes dans le Sahel.
Une plainte pour faire la lumière : des enjeux cruciaux pour la région
Le Mali a annoncé son intention de déposer une plainte officielle, une démarche qui pourrait constituer un point de basculement dans cette crise. Si cette plainte parvient à prouver que l’Algérie a agi de manière disproportionnée ou sans justification suffisante, cela pourrait avoir des répercussions majeures sur les relations entre les deux pays, mais aussi sur l’image de l’Algérie à l’échelle régionale et internationale. Une décision impartiale sur cette plainte pourrait non seulement éclaircir les circonstances de l’incident, mais aussi établir une norme de respect de la souveraineté aérienne dans la région, un sujet particulièrement sensible dans le Sahel.
Dans ce contexte, la question de la vérité des faits est d’une importance capitale. L’Algérie présente des preuves techniques et radar pour justifier son action, tandis que le Mali considère ces preuves comme insuffisantes et potentiellement manipulées à des fins géopolitiques. Une enquête internationale indépendante pourrait être nécessaire pour clarifier les faits et apaiser les tensions. Selon les conclusions de cette enquête, la région pourrait se retrouver confrontée à de nouvelles lignes de fracture géopolitiques.
L’Alliance des États du Sahel en renfort « mesuré«
L’Alliance des États du Sahel, composée du Mali, du Niger et du Burkina Faso, a apporté un soutien immédiat au Mali après l’incident. Toutefois, bien que des déclarations de solidarité aient été émises, les réponses concrètes et concertées retiennent l’attention. Tandis que le Mali a choisi de fermer son espace aérien à l’Algérie, le Niger et le Burkina Faso tardent à suivre cette décision. Nous sommes à un premier test d’envergure pour l’alliance. Le dépassement positif de ce test en termes de solidarité, au sein de l’alliance, pourrait bien être le premier pas d’une nouvelle ère régionale et d’une assise géopolitique consistante. Mais à quel prix ? C’est bien la question au centre des discussions des palais burkinabè et nigérien.
A contrario, cette absence de cohésion pourrait nuire à l’Alliance de manière immédiate. Si le Niger et le Burkina Faso décident de ne pas adopter des mesures similaires à celles du Mali, cela pourrait affaiblir le soutien diplomatique au Mali et envoyer le message que la solidarité régionale reste fragile. En outre, cette division pourrait permettre à l’Algérie d’exploiter les divergences au sein de l’AES, limitant ainsi les pressions exercées sur elle par la communauté internationale et régionale.
Un risque de déstabilisation régionale accrue
Au-delà de la crise immédiate entre le Mali et l’Algérie, cet incident pourrait avoir des conséquences géopolitiques profondes pour la région du Sahel. L’Algérie, un acteur clé dans la lutte contre le terrorisme et dans la médiation des conflits dans la région, pourrait voir son rôle remis en question si elle est perçue comme un acteur instable ou antagoniste pour ses voisins. L’Algérie, qui a souvent mis en avant sa position de médiateur régional, se trouve désormais sous la pression de l’opinion publique régionale et internationale. Que fait l’Algérie ? Que cherche l’Algérie ? C’est bien là une des questions centrales de cette affaire de drone.
De plus, cet incident survient dans un contexte déjà tendu, où l’Algérie fait face à des accusations de soutien aux groupes terroristes de la part de médias marocains et sur les réseaux sociaux maliens et sahéliens. Ces accusations, combinées à l’incident avec le Mali, pourraient accentuer l’isolement diplomatique de l’Algérie vers le Sahel et par extension géopolitique bien ailleurs (…) dans la région. Si la plainte malienne est jugée recevable et que l’Algérie est reconnue coupable d’agression, cela pourrait réduire son influence dans la région et la positionner comme une source de déstabilisation supplémentaire dans une zone déjà fragile.
En revanche, si l’Algérie parvient à démontrer la violation de son espace aérien de manière incontestable, cela pourrait lui permettre de renforcer sa position face au Mali, tout en réaffirmant son autorité sur son espace aérien. Cette issue renforcerait également son image de défenseur de la sécurité régionale, malgré les tensions actuelles. Les enjeux sont devenus si importants dans la région sahélienne aujourd’hui à tel point qu’aucune action politique, militaire, sécuritaire ou économique ne peut être prise à la légère. En effet, chaque donnée compte.
Les répercussions pour la lutte contre le terrorisme dans le Sahel
Les tensions croissantes entre le Mali et l’Algérie risquent également de perturber les efforts régionaux de lutte contre le terrorisme. Le Sahel, où les groupes jihadistes opèrent avec une grande mobilité, a besoin d’une coopération étroite entre les pays pour être véritablement efficace. Si cette crise s’intensifie et fragmente davantage les relations entre les pays du Sahel, cela pourrait compliquer les opérations militaires et de renseignement transfrontalières, cruciales dans la lutte contre les groupes terroristes.
Issa Djiguiba, pour L’Analyse de la semaine – ADS