Le mardi 19 octobre, à travers le Ministre des Affaires Religieuses et du Culte, le gouvernement de transition a rendu officielle sa volonté de dépêcher le Haut Conseil Islamique (HCI) pour entamer des négociations avec les Chefs djihadistes Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa, affiliés au groupe islamiste terroriste Al-Qaida. Cette décision du gouvernement est en réalité un acte de confirmation et de formalisation d’une situation qui existe déjà depuis plusieurs années. Rappelons qu’en 2017, une mission similaire avait été conduite par l’imam Mahmoud DICKO, alors Président du HCI. Si le contexte politique a changé durant les dix dernières années, force est de reconnaitre que la situation sécuritaire quant à elle n’a bougé d’un iota. Au contraire, la situation sécuritaire s’est même dégradée en s’étalant du Nord au Centre du pays. Le choix aujourd’hui d’aller sur le terrain de la négociation avec les groupes islamistes radicaux relève d’une lecture réaliste de la situation sécuritaire actuelle du pays de la part des autorités maliennes. Néanmoins, ce réalisme est porteur d’un pari risqué à plusieurs points de vue…
Une mission de bons offices aux contours flous et imprécis
A la grande stupéfaction de tous, le gouvernement a rendu public le jeudi soir un communiqué dans lequel il dément, l’information selon laquelle l’Exécutif aurait mandaté une structure quelconque à négocier avec les terroristes islamistes. Ce communiqué intervient à un moment où, depuis quelques jours, les medias nationaux et internationaux relayent les propos de Mahamadou Koné, Ministre des Affaires Religieuses et du Culte, qui affirme être porteur d’une mission de bons offices confiés à son département par « les plus hautes autorités du pays ». Jugeant que le HCI est la structure la mieux indiquée pour le portage pratique de cette mission de bons offices sur le terrain, le Ministre rassure les leaders religieux musulmans que « cette fois-ci, l’ancrage institutionnel et administratif de la mission est au niveau du Ministère des affaires religieuses et du culte. ». Tout en soulignant que cette mission de bons offices est « le baromètre » sur lequel son département sera « évalué en termes de performance et de résultats attendus », le Ministre indique qu’il s’agira pour le HCI « d’identifier des personnes rompues à la tâche, c’est-à-dire aux techniques de négociation, de vrais connaisseurs du pays et imprégnées des enjeux internes et externes, comme de la complexité de la question ; mais aussi de fins psychologues et assez pédagogue. ». Il ajoute que « Le Président du HCI aura la responsabilité pleine et entière pour conduire cette mission avec, toutefois, un canevas bien défini par les pouvoirs publics en termes de lignes rouges à ne pas dépasser dans le cadre des négociations à mener en direction des groupes armés dont les idéologies et les actions sont de nature à impacter les institutions elles-mêmes. ». Au regard de ces déclarations très explicites sur la volonté de négociation des autorités actuelles, le communiqué du jeudi soir venant du gouvernement apparait tout simplement incongru. En quoi ce communiqué de démenti révèle une posture ambiguë et dangereuse du gouvernement malien ?
Un communiqué porteur de méfiance et de dissensions
Ce communiqué est un désaveu des propos du Ministre Mahamadou Koné, pourtant membre du gouvernement. Une situation qui suscite de nombreuses interrogations : pourquoi ce démenti alors que les faits sont irréfutables ? Ce communiqué est-il l’expression d’un rétropédalage du gouvernement ou l’expression d’une pression extérieure ? Quoiqu’il en soit, notons que ce communiqué prouve l’indécision et le tâtonnement du gouvernement sur une question aussi sensible que celle de la négociation avec les terroristes. Or, en l’absence de moyens à la hauteur de ses ambitions, tout gouvernement est astreint à faire la politique de ses moyens. A ce jour, le rapport de force avec les terroristes n’est pas à l’avantage du gouvernement malien. D’où la nécessité de l’option politique (la négociation) afin de trouver un point de chute partagé avec les djihadistes terroristes. C’est une option à prendre nécessairement en compte d’autant plus que l’option militaire a montré ses limites depuis bien des années. On n’arrivera au bout du terrorisme dans sahel que dans le cadre d’une approche globale intégrant à la fois les mécanismes sécuritaire, de développement socioéconomique et politique. A ce titre, c’est par réalisme que le gouvernement doit utiliser les leviers dont il dispose pour engager des négociations avec les djihadistes Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa. Au-delà d’un simple choix politique, c’est une recommandation du peuple malien qui s’est exprimé dans ce sens à travers notamment le Dialogue National Inclusif (DNI). Aujourd’hui, ces tergiversations et démentis chroniques du gouvernement créent une situation de méfiance entre les acteurs et renforcent les uns et les autres dans garder des positions figées. Pour une fois, les autorités maliennes auraient dû prendre le devant sur la Communauté internationale et penser à la souffrance des populations qui subissent incessamment les violences terroristes. Cependant, tout porte à croire qu’au-delà de la volonté affichée du Ministre Mahamdou Koné à engager une mission de bons offices à l’endroit des djihadistes terroristes maliens ; le gouvernement quant à lui, ne voudrait pas frustrer ces partenaires étrangers qui sont opposés à toute tentative de négociation avec les djihadistes. La France a toujours fait savoir son opposition à cette alternative en menaçant de retirer ses troupes du Sahel si les autorités malienne arrivent à emprunter ce chemin. De toute façon, le gouvernement devra prendre, tôt ou tard une décision. Les tergiversations et subterfuges ne sont plus tenables au regard des enjeux (insécurité, famine, immigration, etc.) liés aux violences terroristes dans le Nord et le Centre du pays.