Depuis quelques jours, la société d’électricité nationale, Énergie du Mali « EDM S.A » est au cœur d’un gros scandale au Mali. Entre la ministre et les syndicats des travailleurs de l’énergie, l’heure est aux accusations mutuelles au moment où la population crie son désarroi et sa colère sur les réseaux sociaux.
En réponses aux nombreux critiques des Maliens face aux délestages incessants en cette période de canicule, la ministre de l’Électricité et de l’Eau, Mme Bintou Camara a fait état d’un réseau gigantesque de vols et de détournements impliquant des fournisseurs et du personnel de l’EDM SA. Des « accusations » tout de suite rejetées par les syndicats des travailleurs de l’énergie du Mali qui ont mis l’accent sur des problèmes techniques.
59 citernes disparues en l’espace de quatre jours. Ces chiffres communiqués par la nouvelle ministre en charge de l’énergie du Mali, Mme Bintou Camara, sont obtenus, selon elle, après des investigations minutieuses engagées pour trouver les causes exactes des délestages récents de la société nationale d’électricité. En plus de ce nombre impressionnant, la ministre a également fait cas de nombreuses autres malversations dont le contrôle sur deux mois seulement a permis de mettre à nu près d’1 milliard 600 millions FCFA de facturations supplémentaires chez un fournisseur parmi 800 au total. Ainsi pour la seule année 2022, selon la ministre Bintou Camara, 52 factures supplémentaires pour un montant de 18 milliards six cent millions FCFA ont été constatées.
Des manques à gagner importants qui viennent s’ajouter aux malversations également constatées sur l’achat d’une vingtaine de groupes électrogènes.
Une histoire de dette et de mauvaise gestion
A travers cette sortie, la ministre fait état de la présence d’un réseau mafieux composé de fournisseurs et de personnels de EDM SA, auteurs des malversations de vols, de détournements, de surfacturations et autres sur le dos de l’Etat.
Même si Mme Bintou Camara a annoncé des procédures judiciaires pour cueillir tous les auteurs et complices de ces actions, de leur côté, les syndicats des travailleurs de la société énergie du Mali dénoncent des « accusations infondées » visant à mettre dos à dos le personnel de l’énergie du Mali et la population actuellement remontée contre des coupures intempestives d’électricité.
Pour leur part, les syndicalistes mettent l’accent sur les nombreuses difficultés auxquelles fait face la société Energie du Mali depuis plusieurs décennies, dont la plus palpable est d’ordre financier. Il faut signaler que la société Energie du Mali doit près de 600 milliards à ses fournisseurs, une dette reconnue par la ministre Bintou Camara.
Energie du Mali est incapable de couvrir le besoin du Mali en électricité
Au-delà des accusations mutuelles, pour se jeter la responsabilité, tout le monde est quand même unanime sur des défis importants à relever dans le secteur de l’énergie au Mali.
Ces problèmes impactant sur la distribution d’électricité sont dus pour la plupart à la mauvaise gestion, la vétusté du réseau de connexion, les difficultés financières etc.
Ainsi, cette sortie de la ministre Bintou Camara vient recouvrir les débats sur la mauvaise gestion au sein de la société nationale d’électricité, mais aussi et surtout sur le choix énergétique optimal dont le Mali a besoin pour sortir de l’ornière.
Il faut noter que cette question avait été posée lors de la semaine Russe de l’énergie tenue du mercredi 11 au vendredi 13 octobre 2023 où le Mali a même signé avec l’agence nucléaire russe Rosatom un accord de coopération pour le développement de l’énergie nucléaire.
Ce nouvel accord de partenariat avec la Russie vise surtout à préparer le terrain malien pour l’expérimentation de l’énergie nucléaire à court, moyen et long terme. En effet, il s’agit en premier lieu de « développer l’infrastructure nucléaire du Mali », la « formation du personnel, des installations de recherche nucléaire et de l’énergie nucléaire » et la « sensibilisation du public » à cette énergie.
Une autre politique pour la transition énergétique après l’expérience des énergies renouvelables à laquelle le Mali avait beaucoup investi il y’a de cela quelques années.
En tout cas ce qui est sûr, c’est que le mode d’exploitation actuel de l’énergie par le Mali basé toujours sur le combustible s’annonce « obsolète », d’autant plus que le carburant est importé d’ailleurs. La guerre en cours entre l’Ukraine et la Russie, depuis un moment, en plus d’occasionner la flambée des prix des hydrocarbures, a bouleversé tout le système d’approvisionnement des marchés internationaux. Cela doit attirer l’attention des pays importateurs de la nécessité de militer pour des solutions, à défaut d’être locales, pérennes.
Pour rappel, en arrivant aux affaires, l’ex-ministre de l’Énergie et de l’Eau ; M. Lamine Seydou, avait souligné que la société Energie du Mali avait près de 180 milliards de FCFA [près de 275 millions d’euros] de dettes d’exploitation. Mais la plupart de cette dette revenait aux fournisseurs stratégiques de combustibles.
Issa Djiguiba, journaliste à L’Analyse de la semaine