Si le texte du projet de la nouvelle constitution fait débat, c’est surtout parce qu’il comporte des dispositions aux contours parfois ambigus et « discriminatoires ». A ce titre, certains mouvements de la diaspora réclament la réécriture de l’article 46 dudit texte.
Les maliens sont appelés aux urnes le 18 juin 2023. Pour la première fois depuis trente ans, un référendum est organisé. Initialement prévu pour le mois de mars, les autorités de transition avaient justifié le report par la nécessite d’une mise en place effective de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE). Cette fois-ci tous les signaux semblent au vert. Sauf revirement spectaculaire, le peuple malien devra choisir si oui ou non une nouvelle constitution sera adoptée.
Comme c’est souvent le cas, le projet de constitution fait couler beaucoup d’encre et de salives tant au bord du fleuve Joliba à Bamako, dans la cité des rails à Kayes, dans la venise malienne à Mopti, sur les dunes de sable dans le Nord, qu’au sein de la diaspora. Et pour la diaspora, c’est l’article 46 qui fait débat. Que dit cet article ? Quelles conséquences aura-t-il sur les maliens de la diaspora si la constitution venait à être adoptée ? Comment se positionnent certaines organisations de la diaspora malienne de France notamment ?
Article 46 du projet de constitution
Dans son titre III, chapitre I, article 46, le projet de constitution stipule :
« Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malienne d’origine et ne posséder aucune autre nationalité à la date de dépôt de la candidature. »
Le message est sans appel. Si cette constitution venait à être adoptée, toute personne ayant une double nationalité ne peut prétendre briguer la magistrature suprême. Il faudra au préalable se débarrasser de la nationalité autre que malienne et cela avant même d’être candidat. On peut se poser la question suivante : pourquoi cette action n’intervient pas au moment où le candidat élu prête serment ? La réponse est à la fois juridique et administrative. En effet, il existe un temps non négligeable entre le fait de demander un abandon de nationalité et la réponse à cette demande. Ce délai dépasse largement le temps entre l’élection d’un candidat et son entrée en fonction. Autre subtilité, il faudra être malien de naissance et non pas naturalisé par décret.
Quelles conséquences sur les maliens de la diaspora ?
Si le « oui » l’emporte le 18 juin, il va sans dire que les maliens de la diaspora seraient les premières « victimes » de cet article. En effet, installés dans un pays étranger, beaucoup d’entre eux sont également citoyens de leurs pays d’accueil soit par décret soit de naissance. Néanmoins dans les deux cas, ils restent attachés à leur pays d’origine (Mali) pour la plupart. Il n’est un secret pour personne que la contribution des maliens établis à l’étranger participe au développement socioéconomique du Mali. La région de Kayes en est une parfaite illustration. Les infrastructures sociales de base : écoles, hôpitaux, addiction d’eau potable sont généralement réalisées par la diaspora.
Au regard de tous ces efforts, les maliens de la diaspora-même titulaires d’une autre nationalité-ne devraient-ils pas avoir les mêmes droits que les maliens ayant que la nationalité malienne ?
Face à ce constat, un consortium d’associations des maliens de la diaspora adresse une lettre ouverte au président de la transition, chef de l’Etat le colonel Assimi Goïta. Selon les signataires de cette lettre ouverte, l’article 46 du projet de constitution serait « discriminatoire » et « contraire à la grande tradition migratoire du peuple malien. » Ils disent souhaiter rencontrer le président de la transition pour « discuter du bienfondé de la réécriture de l’article 46. »
En écrivant cet article, les constitutionalistes ont certainement voulu « encadrer » les fonctions de président de la République. Dans un contexte d’affirmation de souveraineté nationale, voire de fierté nationale, certains pensent que cet article a toute sa place dans le projet de constitution. Néanmoins, il ne faudrait pas que cela soit un facteur de division car un malien ne vaut pas plus d’un autre.
Brehima SIDIBE, Doctorant à CY Cergy Paris Université.