A l’instar des autres secteurs informels, la mécanique de rue fait face à de nombreux préjugés sans pour autant bénéficier d’un appui réel de la part de l’Etat. Pourtant, au-delà de son caractère non professionnel, la mécanique de rue est un soutien non moins négligeable à l’économie nationale…
Au cœur des quartiers populaires du Mali, se déploie plusieurs parkings ou garages ombragés. Dans ses allées sont stockées plusieurs voitures et motos très abîmées, nécessitant des couches de peinture, la réparation d’une tôle, le nettoyage d’un phare, le changement d’un pneu. D’autres attendent leur tour, juchés sur un cric. Certains véhicules et motos contiennent des outils et des pièces. Il est rare de voir ces mécaniciens en blouse de travail respectant les normes, faute de ressources financières suffisantes. Cette situation est typique de la mécanique de rue. Elle est relative aux activités de réparation automobiles et motos conduites hors des cadres légaux en termes d’environnement, de sécurité, d’occupation d’espace public et/ou d’exercice de la mécanique. L’enjeu est d’analyser en profondeur la nature et les mécanismes d’exercice de la mécanique de rue, contribuant à l’absorption de l’extrême pauvreté.
Un secteur informel mais très compétitif
Tout d’abord, il est important de mentionner que le travail mécanique est quasi-intégralement informel, il est pénible et c’est généralement un travail de subsistance. Dans ce contexte difficile, les mécaniciens sont fortement engagés dans leur travail et offrent souvent des réparations de qualité et des prix très compétitifs défiant incontestablement ceux pratiqués par les professionnels formels. Ces prestations s’expliquent parfois par des compétences acquises au long de parcours professionnels et migratoires (par l’apprentissage dans des garages et des casses de villes) périlleux. En dépit de leurs compétences techniques, les mécaniciens ont des savoir-faire en termes de management, d’approvisionnement de pièces et de pérennisation de la clientèle. Ils mentionnent leur motivation dans une activité qu’ils définissent comme juste et entrainant une utilisation durable des engins. Enfin, face à l’urbanisation galopante, les mécaniciens ont la capacité de réagir rapidement en s’adaptant aux situations. Ils vont à la rencontre de leurs clients sur les lieux de panne ou directement à leur domicile.
Un apport incontestable à l’économie nationale
Très généralement, ces mécaniciens de rue s’installent sur des terrains vides qui ne les appartiennent pas. Lorsque les propriétaires des espaces en friches saisissent leur terrain pour la mise en chantier, ensuite la construction, les mécaniciens se déplacent pour chercher d’autres endroits exploitables. Il est important d’avoir un autre regard sur la mécanique de rue, non plus comme une « activité informelle dévalorisante », mais comme une activité créant énormément de richesses dans l’économie réelle. Dans ce cas, elle est aussi un amortisseur social dans les quartiers populaires, contribuant ainsi à l’absorption de l’extrême pauvreté.
Quelles perspectives ?
En termes de perspectives, il faut la mise en œuvre des réformes, non pas exclusivement de formalisation, mais de reconnaissance, à l’échelle locale d’abord pour cibler des compétences inhérentes aux parcours professionnels souvent « ratés », en se forçant à comprendre les types de solidarité disponible dans les quartiers populaires. Oui, il faudrait formaliser la mécanique de rue, mais pas tous les entrepreneurs exerçant dans le secteur. Les entrepreneurs les plus aisés qui possèdent plusieurs garages non déclarés, qui génèrent un chiffre d’affaires considérable, doivent être cibler et assujettis au paiement de l’impôt. A contrario, il faudra aussi cibler et accompagner les entrepreneurs qui exercent dans la pauvreté. Cela concerne énormément de jeunes travailleurs dans le secteur qui ont quitté ou ne sont jamais allés à l’école.
Amadou SY