A la suite de la publication d’une vidéo blasphématoire à l’encontre de l’islam par un jeune originaire de Kayes, les musulmans du Mali sont sortis massivement, sous les auspices du Haut Conseil Islamiques, pour exprimer leur colère au boulevard de l’indépendance le vendredi 04 novembre 2022.
Après la publication de ladite vidéo, dans laquelle on aperçoit un homme relativement jeune, jeter le Coran par terre pour ensuite y déposer son pied. Cet acte est accompagné de propos excessivement rude envers l’islam qui est décrit comme « une escroquerie des arabes ». Il n’en fallait pas plus pour irriter les fidèles musulmans maliens qui constituent à près de 95% de la population malienne.
Le Haut Conseil Islamique en ordre de bataille
A peine que la vidéo ait été massivement partagée sur les réseaux sociaux, le président du Haut Conseil Islamique en la personne du Cheick Cherif Ousmane Madani Haidara, n’a pas hésité à appeler les autorités publiques à prendre leur responsabilité vis-à-vis de cet acte considéré comme une insulte à l’égard de l’islam et du prophète Mohammed (PSL).
Toutefois, le président du Haut Conseil Islamique n’a pas manqué à n’a pas manqué de faire des mises en garde à l’endroit de l’Etat. D’après lui : « les musulmans ne veulent pas être à l’origine d’un quelconque désordre dans le pays. Mais si l’Etat ne s’assume pas vis-à-vis de cet acte ignoble, les musulmans seront alors dans l’obligation de prendre leur responsabilité.».
C’est ainsi que, en guise de démonstration de force, des milliers de musulmans ont envahi le boulevard de l’indépendance, après la traditionnelle prière de vendredi, pour manifester leur ras-le-bol. Il est vrai que l’islam malien souffre de guerres intestines entre leaders religieux et, parfois, entre tendances ou courants idéologiques différents. Cependant, la manifestation du vendredi dernier fut l’occasion pour tous les leaders musulmans de se dresser comme un seul homme, laissant derrière le temps d’une action collective, les divergences tendancielles d’ordre idéologiques.
La laïcité, un problème actuel
Si, sur le plan religieux, cette manifestation des musulmans maliens trouve son sens dans le devoir qu’à tout bon musulman de défendre la cause de l’islam ; notons néanmoins sur le plan purement juridique, elle ne devrait pas avoir une portée politique aussi importante aux yeux de l’Etat. Le Mali n’est ni un Etat islamique ni un Etat musulman : c’est un Etat laïc.
Dans le principe majeur d’un Etat laïc est que celui-ci, au nom du respect du droit positif, ne devrait pas s’immiscer dans les affaires religieuses et les religions ne s’immiscent pas dans les affaires politiques. Bien que la laïcité admet des interprétations multiples et des modèles d’application différenciés à travers le monde, tous sont unanimes sur son fondement principal qui est : la séparation de l’ordre politique de l’ordre religieux. Sauf que ce principe fondamental n’est pas suffisamment respecter à cause du système politique malien.
Disons donc que la laïcité est un véritable problème politique au Mali, dans la mesure où, elle est en contraste avec les réalités sociopolitique de notre pays. Lorsque le président du Haut Conseil Islamique appelle le gouvernement à prendre l’islam « au sérieux » et à sanctionner l’auteur de la vidéo blasphématoire, il oublie certainement que le devoir de l’Etat au nom de la laïcité, ne consiste pas à prendre partie pour l’islam contre une autre religion.
Au contraire, le devoir de l’Etat est d’assurer à tous, le libre exercice de sa religion dans le respect de la liberté de conscience et de la liberté de culte. Malheureusement, ce devoir de neutralité n’est pas suffisamment observé par l’Etat pour la simple et unique raison que les rapports de force sociale sont à l’avantage des musulmans.
Il va falloir pourtant faire face, et de manière urgente, à ce problème qu’est devenue la laïcité dans notre pays. Deux alternatives majeures s’offrent à l’Etat malien : soit on applique réellement le principe de la laïcité, et dans ce cas on insiste sur la nécessité d’une séparation rigide entre le religieux et le politique ; soit on supprime la laïcité et à la place on introduit que le Mali est un Etat musulman, dans ce cas la liberté de culte sera garantie par l’Etat tout en réservant à l’islam une place prépondérante dans la vie politique et sociale. Cette deuxième alternative est ce qui est en œuvre par exemple au Maroc où la population est à plus de 90% musulmane.
Ballan DIAKITE, Politiste