La Minusma doit quitter le Mali au plus tard le 30 décembre 2023. L’opération onusienne la plus importante de l’histoire est à moins de 6 mois de son départ. Elle dispose d’un effectif déployé composé de 11 676 militaires, 1 588 policiers, 1 792 civils (859 nationaux et 754 internationaux dont 179 Volontaires des Nations Unies).
En effet, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté le vendredi une résolution par laquelle il met fin au mandat de la Mission des Nations Unies au Mali, la Minusma, à compter du 30 juin 2023, et ordonne son retrait d’ici le 31 décembre 2023.
A la demande du gouvernement de transition du Mali qui a demandé le retrait sans délai de la Minusma, la France a présenté le texte qui fut adopté à l’unanimité des quinze membres du Conseil de sécurité. Toutefois, le Conseil constate que la situation au Mali continue de menacer la paix et la sécurité internationales.
Un conflit de perception
Le départ de la Minusma est en réalité révélateur d’une situation conflictuelle, en termes de perception et de solutions envisageables à la crise entre le Mali et ses partenaires classiques dont la France et les Nations Unies (ONU). L’ordre des priorités n’est plus le même du point de vue de Bamako et de la communauté internationale.
Pendant que les organisations internationales telles que la CEDEAO ou encore l’ONU exhorte les autorités maliennes de transition à l’organisation des élections pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, Bamako aspire à recouvrer sa souveraineté sur l’étendue de son territoire national. La sécurité, et rien que la sécurité, tel pourrait s’apparenter au slogan des autorités actuelles du Mali.
C’est dans cette dynamique que les autorités de Bamako ont intensifié leur relation diplomatique avec la Russie depuis déjà trois ans. D’aucuns parlent de la présence de mercenaires paramilitaires russes de Wagner, d’autres évoquent plutôt, la présence de formateurs russes installés dans le pays en vertu des partenariats bilatéraux entre les deux pays. Quoi qu’il en soit, il est certain que la seule priorité de Bamako est actuellement la sécurité.
Si, sur le plan politique, le départ de la Minusma peut paraitre salutaire car il dénote d’une volonté réelle des militaires au pouvoir de doter le pays d’une véritable souveraineté politique ; les inquiétudes des populations et des organisations de la société civile sur les conséquences économiques de ce départ ne sont pas les moindres. Le risque d’un chômage considérable et d’un vide en termes humanitaire reste élevé.
Un retrait aux conséquences économiques non négligeables
Sur dix ans de présence au Mali, la Minusma a eu un impact colossal sur l’économie malienne. A travers les nombreux emplois créés dans le pays. Au niveau des contrats nationaux, 978 contrats réguliers sont en cours et la mission compte également 4673 contrats nationaux avec des travailleurs journaliers. Avec le départ de la mission, tous ces contrats prendront fin et le personnel devra être réinséré.
Face à la perspective d’un chômage de masse notamment dans les régions du nord du pays comme Kidal, Gao ou Tombouctou, le gouvernement du Mali se veut rassurant et explique le bienfondé de sa décision par la volonté de se prendre en charge.
La Minusma faisait partie intégrante du paysage malien après dix ans de présence dont le bilan est présenté comme négatif du point de vue des autorités maliennes. D’après le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, M. Abdoulaye Diop, cette décision s’inscrit dans la droite ligne du nouveau paradigme sécuritaire et stratégique du gouvernement du Mali.
Toutefois, l’impact économique de retrait est réel. Avec de nombreux emplois qui seront arrêtés ainsi que les activités des organisations non-gouvernementales (ONG) œuvrant dans le domaine humanitaire, il urge pour le gouvernement du Mali d’anticiper les effets économiques et humanitaires de ce départ. Car, après tout, la sécurité n’est pas seulement que militaire. Elle est tout aussi économique et alimentaire.
Ballan DIAKITE, Politologue.