Le 07 octobre 2023, le Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza a déclenché une attaque surprise inédite sur Israël. Le bilan de cette attaque est resté tout aussi inédit tant par le nombre de victimes que par la nature surprenante de cette attaque du Hamas contre l’un des meilleurs services de renseignements et une armée aux aguets. En déclenchant cette attaque d’une rare violence, le Hamas vient de secouer tout le moyen orient, dans ses certitudes les plus profondes.
Israël, un Etat constamment en alerte
L’implantation géographique d’Israël dans un moyen orient aussi instable n’est certainement pas un avantage. L’Etat hébreu est en effet entouré directement par quatre États loin d’être des Etats amis. Il s’agit du Liban, de la Syrie, de la Jordanie, de l’Égypte, en plus des territoires palestiniens (la bande de Gaza et la Cisjordanie) sous occupation militaire israélienne. La frontière avec l’Égypte reste l’une des plus regardantes, car elle reste la seule porte de sortie pour les gazaouis vers un Etat ami. Cette dernière s’étend du golfe d’Aqaba à la bande de Gaza. En dehors des régions littorales, tout le reste de la zone est foncièrement désertique et montagneux encastré entre le désert du Néguev et le désert du Sinaï. Avec la Jordanie, Israël partage la frontière la plus basse du monde. Cette frontière est, elle-même, partagée en deux par la Cisjordanie. Avec le Liban, l’Etat hébreu partage une des frontières les plus dangereuses de la planète pour cause de l’existence du Hezbollah libanais. Cette frontière fragile et poreuse est d’abord une conséquence directe de l’opération Paix en Galilée. Une opération qui a permis à Israël d’occuper des territoires au sud libanais entre 1982 et 1985. Cette frontière, particulière, est d’ailleurs régie par l’accord d’armistice de 1948 signé entre Israël et Liban. Coincé entre des voisins, qui pour certains, nient entièrement l’existence historique d’Israël comme Etat dans la zone, l’Etat hébreu ressort affaibli de par sa situation géographique. Outre la menace constante de ses voisins directs, l’Etat hébreu est aussi menacé indirectement par certains de ses voisins indirects, notamment l’Iran. En effet, l’Iran est aujourd’hui la plus grande menace pour l’existence même d’Israël. Le conflit entre les deux idéologies gouvernantes dans ces Etats est très profond et reste l’une des grandes causes de l’instabilité globale au moyen orient.
Surprendre le Mossad et le Tsahal, c’est bien une surprise
La perpétuelle menace sur l’existence d’Israël a conduit assez rapidement les Etats-Unis et d’autres pays alliés d’Israël à doter l’Etat hébreu d’arme nucléaire, le permettant de se positionner en 18è place dans le dernier classement mondial des armées et un service de renseignement classé parmi les meilleurs au monde. Israël est aujourd’hui, selon plusieurs études, l’un des pays les plus militarisés du monde. L’Etat hébreu occupe la dixième place dans le classement des pays qui ont les plus importantes alliances internationales en 2023. A ce titre, le site Internet américain Globalfirepower est allé jusqu’à classer Tsahal (l’armée israélienne) comme la dixième armée la plus puissante au monde. Bien évidemment, tout cela amène à mesurer le niveau de la surprise, il y a 10 jours, lorsque le Hamas a attaqué aussi rapidement les infrastructures de cette puissante armée, en atteignant des cibles militaires de grande importance, en kidnappant des officiers et des agents du Mossad. Cela est une surprise que le Tsahal ne pouvait pas prévoir.
Faire payer la note aux gazaouis : un postulat qui touche les limites du droit international
En réaction à la terreur provoquée par l’irruption du Hamas en Israël, rapidement le ton est monté et avec le soutien de ses alliés, l’Etat hébreu, par l’intermédiaire de son ministre de la Défense, Yoav Gallant, a décidé d’un siège total de la bande de Gaza le lundi. En cinq jours, Israël a lancé 4 000 tonnes d’explosifs sur la seule bande de Gaza bouclée de partout. Une situation qui a rapidement provoqué l’émoi dans les pays arabes mais qui a surtout amené les Nations Unies à rappeler que « toute restriction à la circulation des personnes et des biens visant à mettre en œuvre un siège doit être justifiée par des nécessités militaires, sinon elle peut constituer une punition collective ». A son tour, le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk a, lui, déclaré dans un communiqué que « l’imposition de sièges qui mettent en danger la vie des civils en les privant de biens essentiels à leur survie est interdite par le droit international humanitaire ».
L’Iran indexé pour avoir soutenu le Hamas
Pour l’histoire, le Hamas (harakat al-muqâwama al-‘islâmiya ou Mouvement de résistance islamique), a été créé en 1987 (après le début de la première intifada) par trois figures importantes de la cause palestinienne mais aussi de la puissante organisation Frères musulmans basée en Egypte. Il s’agit de Sheikh Ahmed Yassin, Abdel Aziz al-Rantissi et Mohammed Taha. Dès l’avènement du Hamas, les trois Frères musulmans ont érigé comme slogan ce qui suit « la terre de Palestine est une terre islamique », le combat du Hamas, c’est la destruction de l’État d’Israël et l’instauration d’un Etat islamique palestinien sur tout le territoire de l’ancienne Palestine mandataire avec Jérusalem pour capitale. Longtemps bloqué dans sa quête du pouvoir, le Hamas est finalement au pouvoir depuis 2006 dans la bande de Gaza.
Il y a encore quelques mois, rien ne permettait de croire qu’un jour l’Iran (chiite) et le Hamas (sunnite) allaient être si proche. Même si les renseignements militaires ont pu anticiper des rencontres entre ces parties, peu d’experts ont cru que l’Iran allait accepter de jouer un quelconque rôle dans les attaques contre Israël. Les raisons de ce rapprochement soudain sont en effet assez importantes et compromettantes pour les objectifs des deux mouvements au moyen orient. En effet, depuis plusieurs années, les Etats-Unis alliés historiques de l’Etat hébreu ont demandé à Israël de normaliser ses relations avec les pays arabes notamment les alliés directs de Washington. Et dans cette normalisation, c’est bien un acteur qui était principalement ciblé : l’Arabie Saoudite. Le géant du golf allié de Washington et très puissant influenceur dans la donne au moyen orient. L’hypothèse principale de cette attaque surprise réside finalement de manière consistante dans le désir de ralentir ou de mettre un terme au rapprochement entre Tel Aviv et Ryad. Ces derniers mois, en effet, Israël est rentré dans un processus accéléré dans cette normalisation de ses relations avec l’Arabie Saoudite sous la pression américaine. En effet, un rapprochement entre Israël et le royaume saoudien, s’il réussissait, allait donner un coup très dur à l’antagonisme, à la défiance et la compétition historique et religieuse entre l’Iran et l’Arabie Saoudite dans la région. Dans ce sens, le soutien de l’Iran au Hamas, en partie assumé par l’Iran est purement stratégique. L’Iran reste encore dans le jeu de l’influence dans la zone en espérant finaliser l’acquisition de l’arme nucléaire, et avoir une plus importante influence par rapport au rival saoudien. Et d’autre part, le Hamas pour sa part trouve un allié circonstanciel qui par ailleurs risque de ne pas rester pérenne.
Les Nations unies impuissantes ?
L’organisation des Nations unies est véritablement affaiblie par la multiplication des conflits complexes engageant de plus en plus des puissances de premier plan. C’est le cas notamment de la guerre en Ukraine qui met l’organisation dans une posture plus que difficile. Cet affaiblissement de l’organisation, le secrétaire général Antonio Guterres l’a rappelé à plusieurs reprises en rappelant aussi par la même occasion un élargissement du conseil de sécurité des Nations unies pour provoquer un choc positif dans une organisation coincée entre immobilisme et doute existentiel. Alors même qu’elle n’a pu rien faire dans le Haut Karabakh et bien avant et toujours en Ukraine, l’Onu risque de jouer une carte décisive pour sa fiabilité dans ce nouveau conflit au moyen orient et sur le sort des gazaouis.
L’Afrique pour une solution à deux Etats indépendants
Dans le contexte de positionnement, le continent africain reste, pour sa part, divisé sur le conflit Israël/Palestine depuis la récente évolution des hostilités. Pendant que le Cameroun, le Ghana, la Zambie, la RDC et le Kenya condamnent fermement l’attaque du Hamas contre l’Etat hébreu, d’autres pays comme la Mauritanie, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie, le Soudan et l’Afrique du Sud manifestent dans les rues pour apporter leur soutien à la cause palaisienne. En effet, ces pays considèrent les récentes attaques du Hamas, bien que décriées par tous, comme la continuité d’un conflit qui dure depuis 75 ans. Mais malgré cette divergence de points de vue, le continent reste tout de même unanime sur la solution à deux Etats indépendants comme le préconise la législation internationale. Cependant, la question qui se pose est la matérialisation de cette volonté commune par une mission de bon office comme ce fut le cas dans le conflit Russie Ukraine. De toutes les façons, il faut savoir que l’Afrique, au-delà de sa position géographique, parait beaucoup plus concernée par ce conflit qu’elle ne l’est avec la crise ukrainienne où elle a envoyé des émissaires sous l’égide de l’Union africaine. Cela d’autant plus que la division du continent sur la question est beaucoup plus basée sur des considérations religieuses, musulmanes arabes d’un côté et chrétiennes évangéliques qui considèrent le peuple d’Israël comme le peuple élu dans la bible de l’autre.