Depuis quelques jours, on assiste à un durcissement de ton entre Paris et Bamako, voire avec certains pays européens de la force Takuba autour de leur présence dans la lutte contre le terrorisme au Mali. L’épisode a pris une proportion particulièrement inquiétante en début de semaine avec le retrait de la composante Danoise de cette Force sous une pression forte du gouvernement de transition qui évoque l’absence de « consentement » préalable de la partie malienne.
Le regain des tensions
L’épisode de tension entre Paris et Bamako est devenu si virulent ces dernières heures que des interrogations se posent sur le sort de la présence étrangère dans le cadre de la lutte antiterroriste au Mali. Le 26 janvier dernier, le gouvernement de la transition est revenu avec instance sur sa demande formulée quelques heures plutôt envers le Royaume du Danemark de retirer « immédiatement » le contingent nouvellement arrivé au Mali pour remplacer celui de la Suède dans le cadre de la force européenne Takuba devant prendre le relais de Barkhane dans la lutte antiterroriste dans le pays.
Selon Bamako, le déploiement des troupes étrangères sur le sol malien doit se faire en respect au principe de la souveraineté de l’Etat du Mali, c’est-à-dire, après son consentement formel. C’est pourquoi, a-t-il invité dans son communiqué « le Danemark à faire attention à certains partenaires qui ont du mal malheureusement à se départir des réflexes coloniaux » a indiqué le porte – parole du gouvernement de transition malienne, le Colonel Abdoulaye Maïga, sans citer nommément la France. D’ailleurs, c’est cette perception, (bonne ou mauvaise) de la politique française qui est actuellement mise en cause dans cette partie de l’Afrique francophone avec comme conséquence les appels de la population de recourir à des partenariats plus sincères et respectueux des intérêts locaux.
Même si la France et ses alliés européens estiment que les militaires au pouvoir au Mali ont agissent de la sorte « par ce qu’ils ne veulent pas d’un plan rapide de retour à la démocratie », il faut signaler que c’est cette posture radicale, soit-elle instrumentaliste, qui renforce plus davantage les autorités militaires en quête de légitimité auprès de la population.
Et finalement, le Danemark finit par céder en annonçant le retrait progressif de sa troupe. « Les généraux au pouvoir ont envoyé un message clair, où ils ont affirmé que le Danemark n’était pas le bienvenu au Mali. Nous ne l’acceptons pas et, pour cette raison, nous avons décidé de rapatrier nos soldats » a annoncé le Royaume du Danemark le 27 janvier 2022 », à travers le ministre des affaires étrangères, Jeppe Kofod. Un retrait qui mettra encore de l’huile sur le torchon déjà brûlant entre Paris et Bamako depuis l’interruption à mi-chemin de la première partie de transition dirigée par Bah N’Daw en mai 2021. « …cette junte est illégitime et prends des mesures irresponsables (…). Elle porte l’entière responsabilité du retrait des forces danoises et s’isole » a indiqué le chef de la diplomatie française, Jean Yves Le Drian sur la situation. Le diplomate français n’a pas manqué de préciser que « vu cette situation, vu la rupture du cadre politique et du cadre militaire, nous ne pouvons pas rester en l’état… ». Du côté du Mali, le Ministre des Affaires Etrangères Abdoulaye Diop tout en condamnant ces propos de Le Drian, trouve qu’ils sont plutôt empreints de « mépris ».
La riposte de Bamako
Contrairement aux attaques ciblées et insultes, Diop rappelle que ce que le Mali attend de la France, « un grand pays », « une attitude constructive, moins agressive, moins hostile et moins empreint de mépris vis-à-vis des autorités maliennes qui incarnent aujourd’hui la souveraineté de notre pays », afin de sortir de cette crise.
Par ailleurs, il est important de souligner que malgré ce durcissement spectaculaire de ton de part et d’autres, il n’y a pas encore à l’ordre du jour une éventuelle suspension de l’opération française au Mali. D’ailleurs sur le théâtre des opérations les deux états-majors évoluent ensemble et saluent des succès conjoints contre l’ennemi commun.
Selon certains observateurs, l’objectif recherché par certains nouveaux partenaires du Mali, en l’occurrence la Russie, c’est de profiter du déséquilibre circonstanciel de la France pour occuper progressivement le terrain. Après le Centrafrique la Russie est en train de s’implanter au Mali tout en ayant un œil vers le Burkina Faso dont certains manifestants commencent à branler le drapeau Russe.
Donc selon d’autres observateurs, cette situation entre le Mali et la France n’est qu’une tempête que la France a intérêt à rapidement mettre un terme en revoyant sa politique vers l’Afrique. Et si la France prend le risque de s’entêter en menaçant toujours avec des sanctions contre la population, s’en est fini pour elle, car au-delà de la crise sécuritaire, cette crise a plusieurs enjeux géopolitiques importants pour les puissances dominantes du monde.