Par Issa Djiguiba -ADS
Après les travaux des parlements transitoires du Mali, du Niger et du Burkina Faso, un avant-projet de texte juridique portant création d’un parlement confédéral de l’Alliance des États du Sahel (AES) a été officiellement remis au capitaine Ibrahim Traoré, président du Faso. Au-delà de l’aspect consolidation de l’AES, cette ambition présente aussi des implications politiques et sécuritaires majeures.
La délégation réunissant les présidents des parlements transitoires du Mali, du Niger et du Burkina a officiellement remis au chef de l’État burkinabè l’avant-projet destiné à fonder juridiquement un organe législatif confédéral. Selon une déclaration officielle, le document, résultat d’un travail préparatoire mené en session à Ouagadougou, doit maintenant être transmis aux autorités des autres États membres pour examen, amendement et adoption éventuelle.
Sur le plan institutionnel, les promoteurs présentent le projet comme la pièce manquante d’une intégration en construction, car, destiné à faciliter la coordination législative, valider des accords communs et offrir une représentation politique pour l’AES.
Pour les partisans de l’AES, un tel organe renforcerait la « gouvernance partagée » et la souveraineté régionale, notamment sur des dossiers transversaux comme la sécurité, la mobilité ou les projets économiques confédéraux.
Si le jalon a été posé, il faut reconnaitre que le chemin reste cependant semé d’obstacles. D’abord, au niveau de la procédure d’adoption : l’avant-projet nécessite une traduction politique et juridique dans chacun des trois États, un processus potentiellement long, sensible et tributaire des priorités nationales et des transitions. Ensuite, la nature exacte des compétences que se verrait attribuer le futur parlement (domaines législatifs, budget commun, rapports aux parlements nationaux) n’est pas encore précisée publiquement, laissant ouvertes des questions sur la superposition des prérogatives et le mécanisme de contrôle démocratique. Ces incertitudes nourrissent des interrogations sur la légitimité et la viabilité institutionnelle du projet.
Sur le plan sécuritaire, le projet s’inscrit dans un contexte d’intégration opérationnelle déjà avancée : l’AES a développé depuis 2024–2025 des mécanismes conjoints, dont une force opérationnelle régionale, des échanges de renseignement et des accords logistiques pour faire face aux groupes armés du Sahel. Un parlement confédéral pourrait théoriquement renforcer la gouvernance politique de ces instruments, en définissant mandats, budgets et cadres juridiques. Mais, en outre, il pourrait soulever la question de la responsabilité politique en cas d’échecs opérationnels et du partage des charges financières.
Selon les observateurs, la réussite dépendra en grande partie de la transparence, de la reddition de comptes et de l’acceptation par les opinions publiques nationales.
Enfin, la dimension régionale et internationale est à prendre également au sérieux. L’émergence d’un organe législatif confédéral entre États qui ont, pour l’essentiel, rompu certains liens avec des institutions ouest-africaines et partenaires occidentaux transforme toute l’équation diplomatique. Des analystes estiment que la reconnaissance formelle et l’articulation de ce parlement avec les organisations régionales (CEDEAO, UA) et les partenaires extérieurs seront déterminantes pour sa crédibilité et son efficacité.