Parmi les grandes recommandations des Assises Nationales de la Refondation (ANR), figure « le maintien de la forme de l’Etat unitaire, républicain, décentralisé, laïc, démocratique et social ». Si l’on ne peut, à ce jour, se défaire de la décentralisation comme mode d’administration des affaires publiques au regard de l’étendue du territoire national, il y a lieu tout de même de reconnaitre les nombreuses limites qu’elle comporte en vue d’une plus grande performance.
En effet, si la conservation de la forme unitaire de l’Etat apparait pertinente au regard des velléités identitaires et séparatistes qui secouent le pays depuis les années 1963, force est de reconnaitre cependant que notre modèle de décentralisation est à bout de souffle et mérite bien d’être réinventé.
Les fondements sociopolitiques de la décentralisation au Mali
La crise sécuritaire déclenchée en 2012 prend sa source dans une profonde crise de gouvernance et de démocratie locale. Le modèle jacobin de l’Etat hérité de la colonisation a maintes fois montré ses limites dans le cadre de la gouvernance politique au Mali. Un pays multiculturel et multiconfessionnel ne saurait aucunement trouvé sa voie dans le centralisme politique de longue durée. Raison pour laquelle dès les années 1963, l’irrédentisme touareg a donné un coup dur au projet malien d’une nation forte et prospère. Depuis cette époque, l’Etat malien s’est trouvé face à un défi énorme: celui de concilier la gouvernance démocratique avec les particularités culturelles et géographique des populations locales. L’ambition de relever ce défi a rendu nécessaire l’élaboration et la mise en place d’un mode de gestion des affaires publiques axé sur la proximité et l’initiative locale. Communément appelée « décentralisation », ce nouveau mode de gestion des affaires publiques ambitionne de faire des populations locales les principaux acteurs de l’élaboration et de la conduite des politiques publiques locales. Plus de 60 ans après l’indépendance, la question de la décentralisation est encore sur la table. On s’interroge toujours sur son efficacité et sur son adaptabilité aux réalités du terrain. Plusieurs raisons (qui sont aussi autant de défis) expliquent cet état de fait et, la prise en compte de ces défis dans le processus de la refondation, constituent la voie indiquée pour repenser notre modèle de décentralisation.
Une décentralisation confrontée à plusieurs défis
La difficulté des autorités locales à pouvoir prendre en charge les préoccupations des populations, trouve quelque peu son explication, dans l’incompréhension du concept même de décentralisation. La traduction qui est faite du concept dans la langue bambara est « fanga ka segui so » qui signifie littéralement « retour du pouvoir à la maison ». Sur la base de cette conception des choses, nombreuses localités reculées ont considéré la décentralisation comme une forme de communautarisme dans lequel le pouvoir politique devrait nécessairement être exercé par un membre du tribut. Sur la base de cette interprétation « erronée » de la décentralisation, les administrateurs civils de l’Etat venus d’ailleurs, ont été perçus par les populations de nombreuses localités comme des étrangers auxquels certains secrets de la vie de la communauté ne doivent pas être dévoilés.
Par ailleurs, la crise de confiance entre la population et l’administration locale ; le manque de professionnalisme de certains agents ainsi que le problème d’efficacité de l’administration publique sont autant des problèmes liés, en grande partie, aux modalités de recrutement et de nomination des agents des services publiques de l’Etat.
En outre le transfert de compétences et des ressources, essentiels à la viabilité de la décentralisation, n’aura pas permis l’autonomie effective tant souhaitée pour les collectivités territoriales. La crise sécuritaire et l’instabilité politique ont tout aussi accentué l’incapacité des collectivités locales à appréhender les problèmes locaux et à y apporter des solutions adaptées.
Enfin…
La crise qui assaille le Mali depuis 2012 est multiforme et multidimensionnelle. Elle a laissé des séquelles dans tous les secteurs de la vie de la nation et montré également les limites de l’Etat à répondre favorablement aux besoins des populations. Conscient des déséquilibres de développement entre les territoires qui constituent d’ailleurs l’une des causes profondes de la crise sécuritaire et institutionnelle, l’Etat doit trouver dans la décentralisation un moyen optimal pour redresser le pays et le propulsé sur la voie du développement. Pour cette raison, la gouvernance locale demeure un pilier déterminant pour rapprocher les populations des centres de décisions et faire d’eux des partenaires dans la détermination et dans l’exécution des politiques publiques locales.
Ballan DIAKITE, Politologue, rédaction de l’ADS