Le 31 juillet dernier, la classe politique sénégalaise a été choquée d’apprendre la dissolution du parti de l’opposant Ousmane Sonko. Principal opposant politique à l’actuel président, Macky Sall et candidat à l’élection présidentielle de février 2024, Ousmane Sonko est également en prison.
La dissolution soudaine et surprenante du PASTEF, le parti politique de l’opposant Ousmane Sonko, soulève de grandes inquiétudes sur la bonne santé de la démocratie au Sénégal. Certes, ce n’est pas une première dans l’histoire politique du Sénégal qu’un parti politique soit dissout. Le président-poète Leopold Sedar Senghor avait également, en son temps, dissout un parti politique dans les années 1960. Mais l’intention de Senghor était, non pas d’effacer l’opposition sur la carte politique de la nation, mais plutôt de l’absorber en renforçant le parti unique au Sénégal. Macky Sall en fait de trop ? Cette dissolution repose sur des fondements solides ? Analysons tout cela dans les lignes qui suivent.
Le motif : l’appel à des mouvements insurrectionnels selon le ministère de l’Intérieur
Selon le ministère sénégalais de l’intérieur, le PASTEF « à travers ses dirigeants et ses instances, a fréquemment appelé ses partisans à des mouvements insurrectionnels, ce qui a entraîné de lourdes conséquences ». C’est en l’espèce l’un des motifs principaux exprimés dans le communiqué. En effet, depuis plusieurs mois, Ousmane Sonko est en prise avec l’actuel président Macky Sall. Le Chef du PASTEF avait d’abord accusé l’actuel président de vouloir se présenter pour un troisième mandat. Cette déclaration et les actions qui en ont suivies ont finalement entrainé plusieurs manifestations et des dégâts majeurs notamment dans la capitale sénégalaise, Dakar. Après l’annonce finalement du président Macky Sall qu’il ne se présentera pas pour un troisième mandat « inconstitutionnel », Ousmane Sonko déjà empêtré dans diverses affaires en justice a finalement subit les foudres du pouvoir et maintenant emprisonné et son parti dissout.
Un coup dur pour la démocratie sénégalaise
Longtemps perçue comme l’une des plus rayonnante et exemplaire en Afrique de l’Ouest, la démocratie sénégalaise, à travers cette dissolution et l’emprisonnement de l’opposant Ousmane Sonko montre des failles inquiétantes. Le PASTEF, parti politique créé en janvier 2014 par Sonko qui était alors agent des impôts et domaines, est l’une des plus importantes organisations politiques du Sénégal. Le parti dispose aujourd’hui de 27 députés à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de 2022 dans le cadre de l’inter-coalition de l’opposition qui avait obtenu 80 sièges sur un total de 165 sièges. Avec la dissolution du PASTEF et l’emprisonnement de l’opposant, le Sénégal rentre dans la mauvaise catégorie de pays africains, celle des pays qui entravent l’expression d’une certaine forme de liberté d’opinion politique.
Des mouvements d’une rare violence
Il y a encore quelques années, la scène politique sénégalaise était un exemple de stabilité. Cependant, depuis plusieurs mois, on assiste à des manifestations violentes, des pertes de vies humaines et des scènes qui n’honorent pas la grandeur du pays. Pour le ministre sénégalais de l’Intérieur Antoine Félix Diop, les « … nombreuses pertes en vies humaines », les « nombreux blessés, ainsi que », les « actes de saccage et de pillage de biens publics et privés » sont imputables aux dirigeants du PASTEF.
Une grève de la faim pour Ousmane Sonko et la dénonciation pour les autres
Pendant que le gouvernement sénégalais continue de restreindre l’espace d’expression publique et politique, à travers notamment la suspension du réseau Tik Tok et la restriction d’internet, l’opposant Sonko fait une grève de la faim en prison. En outre, l’opposition sénégalaise a aussitôt condamné ce qui s’apparente de plus en plus à une dérive. Amnesty International a également pointé une « atteinte à la liberté d’information » et a appelé les autorités sénégalaises à « rétablir l’Internet », dans un message sur le réseau X.
O. Diarra, analyste pour L’Analyse de la Semaine