Près d’un mois après le coup d’Etat du 25 octobre 2021, le général Al-Burhane et Abdallah Hamdock ont signé un accord le 21 novembre 2021 qui a permis à ce dernier de retrouver son poste de premier ministre. Cet accord pourtant salué par l’ONU et l’Union Africaine est fortement contesté par les manifestants dont le dynamisme et la détermination demeurent intactes…
Un accord pour rectifier la transition
Pour justifier leur coup d’Etat du 25 octobre dernier, la junte militaire au pouvoir depuis la chute d’Omar El-Béchir en 2019 avait évoqué l’incapacité du premier ministre et son gouvernement à effectuer les réformes politiques et institutionnelles promises au début de la transition, le marasme économique qui a fortement impacté le pouvoir d’achat des soudanais et la méfiance grandissante entre les composantes civiles et militaires des organes de la transition. Elle avait alors promis de nommer un autre premier ministre en vue de former un gouvernement de technocrates qui, selon le général Abdel Fattah Al-Burhane, serait chargé de « corriger le cours de la transition ».
Cependant, face à la pression des manifestants et de la communauté internationale, les militaires ont dû renoncer à la nomination d’un nouveau premier ministre. Ils ont ainsi préféré rétablir Abdallah hamdock dans ses fonctions à la faveur de l’accord signé avec celui-ci le 21 novembre dernier lors d’une cérémonie retransmise en direct à la télévision nationale. Pour Abdallah Hamdock, lui qui était sous résidence surveillée depuis son arrestation le 25 octobre dernier, il urge de « mettre un terme à l’effusion de sang ». « Je sais que notre peuple est capable de sacrifices, cependant chaque goutte de sang est précieuse. Mettons fin au bain de sang. » a-t-il affirmé.
« Un signe encourageant »
Au cours d’un point de presse à New York, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU et Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’union africaine ont invité les composantes militaires et civiles de la transition au compromis. Ils ont par ailleurs invité les partis politiques à appuyer le premier ministre Abdallah Hamdock. Antonio Gutteres a tenu à lancer « un appel à la contention et au bon sens » à l’endroit des manifestants qui continuent de réclamer le départ des militaires du pouvoir. Pour lui, « appuyer le premier ministre Abdallah Hamdock dans les prochains pas pour que soit possible une transition pacifique vers une véritable démocratie au Soudan » est plus qu’une nécessité. Au même moment, Moussa Faki Mahamat a quant à lui estimé que « la réhabilitation du premier ministre est un signe encourageant ». Pour lui, la levée de son assignation à résidence constitue « un momentum qu’il ne faut pas perdre malgré les dérapages. ». Si ces derniers estiment que cet accord est le seul moyen de sauver la transition en cours au Soudan, les manifestants ne l’entendent pas de cette oreille. Pour preuve, depuis la signature dudit accord, les manifestations se sont intensifiées au cours des derniers jours. Lors de la dernière en date du 30 novembre dernier, les partis politiques, l’organisation des familles des martyrs de la révolution et des organisations de la société civile ont dénoncé cet accord. Pour Omar el-Digair, le chef du parti du congrès soudanais, en signant cet accord, Abdallah Hamdock « est descendu des épaules du peuple qui le portait pour monter dans un char de l’armée ».
Le pari risqué d’Abdallah Hamdock ! Même si Abdallah Hamdock affirme avoir « signé cet accord dans le but d’éviter au pays, déjà au bord du gouffre, de sombrer dans le chaos comme d’autres pays de la région », l’intensification des manifestations au cours des derniers jours et la démission de douze ministres de son cabinet à l’instar de celui des affaires étrangères, de la justice, de l’éducation, de l’agriculture et de l’énergie dans le sillage de la signature dudit accord l’ont considérablement affaibli sur le plan politique dans la mesure où, il y a peu de chance que les militaires acceptent de retourner dans leurs casernes et de livrer les auteurs des répressions qui ont causé la mort des 42 manifestants comme l’exigent les manifestants. Pour l’heure, il reste à savoir comment Abdallah Hamdock va s’y prendre pour calmer les manifestants déterminés à contraindre les militaires à quitter le pouvoir car, comme le disait une manifestante : « la question n’est pas de savoir si cette manifestation est un test pour eux ou non… La rue a une demande claire et personne ne pourra nous en dévier, les militaires doivent retourner dans leurs casernes. ».