Après une année de mesures exceptionnelles, les Tunisiens ont voté le lundi 25 juillet 2022, pour une nouvelle Loi fondamentale censée dessiner l’avenir du pays.
Après la victoire du « oui », au référendum sur la nouvelle Constitution qui vise à renforcer les pouvoirs du chef de l’État, Kaïs Saïed, la Tunisie, seule et chancelante démocratie issue du Printemps arabe de 2011, se dirige vers une « hyper présidentialisation ».
Il y a un an, le Président tunisien, Kaïs Saïed (élu démocratiquement fin 2019), avait gelé le Parlement tunisien et limogé le gouvernement. Un an après, il a préparé une réforme constitutionnelle, censée redresser l’avenir du pays. Mais au regard d’un certain nombre d’irrégularités signalées au cours de ce processus qu’il a voulu, ce scrutin semble avoir été largement décrié par ses opposants. Malgré tout, ce projet a remporté la victoire, le 25 juillet dernier.
Selon les résultats officiels préliminaires de ce scrutin, 94,6% des électeurs tunisiens qui se sont rendus aux urnes ont voté « oui ». Un chiffre qu’il faut nuancer à cause du faible taux de participation, établi à 30,5%, soit un record d’abstention de 75%. Ce texte consacre ainsi la présidentialisation du pouvoir et tourne la page du parlementarisme instauré dans ce pays en 2014.
Dangereuse régression démocratique
Plus de dix ans après la révolte populaire qui a mis fin au régime de Ben Ali, la Tunisie semble se diriger vers une nouvelle révolte populaire. En effet, l’adoption d’une nouvelle Constitution (acté le 25 juillet dernier) soulève de très fortes inquiétudes au sein de la société civile tunisienne sur un certain nombre de questions liées à l’État de droit, et surtout une régression majeure par rapport à celle de 2014. À ce sens, l’opposition dénonce une introduction à une dictature où le président aura tous les pouvoirs.
Avec cette nouvelle Constitution, laisse-t-on croire, le président Kaïs Saïed jouira de vastes prérogatives sans devoir rendre de comptes. Toute chose qui explique le refus de nombre de Tunisiennes et Tunisiens, d’opter pour l’adoption d’une telle Loi. Car, ceux-ci dénoncent une réforme constitutionnelle « périlleuse » pour la jeune démocratie de la Tunisie. Pour cette frange de la population tunisienne, ce scrutin reste symptomatique d’un profond désaveu vis-à-vis des dirigeants à la tête du pays depuis la révolution du Jasmin.
Cependant, ce changement fait craindre l’opposition tunisienne qui y voit une dangereuse régression démocratique. Surtout lorsqu’il manque de légitimité à ses yeux, et marqué par une très forte abstention. Au regard de ces aspects, les militantes pro-démocraties restent inquiets quant à l’avenir de la démocratie dans ce pays, dont les séquelles de la dernière révolte populaire se font toujours sentir.
Outre ceci, l’opposition dénonce le fait que ce nouveau texte « consacre un régime hyper présidentialiste », plaçant ainsi le chef de l’État « au-dessus de toute redevabilité politique ou pénale ».
Eviter une nouvelle instabilité
Au regard d’une telle division au tour de cette nouvelle Loi fondamentale, faut-il d’ores et déjà s’attendre à une résurgence autoritaire dans ce pays, qui en 2011, fut le berceau des « Printemps arabes » ? Car, au-delà de l’actuel président Kaïs Saïed, nombre d’opposants laissent croire que le vrai danger serait surtout avec son successeur, dont ce texte lui permettra de faire glisser la Tunisie vers un « vrai régime autoritaire, voire dictatorial, comme à l’époque de Ben Ali ».
Selon le politologue Hamza Meddeb, rapporté par Gnet News, « cette élection est plutôt loin des standards que l’on a connu depuis ces 10 dernières années. On en revient au débat sur le mode de fonctionnement et les nominations des membres de l’instance supérieurs pour des élections indépendantes (ISIE) ». À l’en croire, « le président a annoncé un calendrier sur lequel l’ISIE n’a pas été consulté ». Il rappelé également que « la désignation du jour du scrutin n’a pas fait l’objet de consultation avec l’instance » et que cette dernière s’est vue imposée un calendrier qu’elle a dû s’exécuter. Cette situation ayant « beaucoup privé l’ISIE de son autonomie » s’est fait sentir dans l’organisation du scrutin, affirme-t-il.
Quoi qu’il en soit, ce pourcentage mitigé, jamais vu dans l’histoire des élections de la Tunisie postrévolutionnaire, laisse croire que ce pays n’est pas encore épargné d’une nouvelle instabilité sociopolitique, après celle datant de 2011. Cependant, les autorités actuelles de la Tunisie gagneraient à tout mettre en œuvre pour éviter que le pays ne retombe dans une nouvelle instabilité sociopolitique.
Pour rappel, Kaïs Saïed a été démocratiquement élu fin 2019. Le 25 juillet 2021, il s’est arrogé les pleins pouvoirs en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement (dominé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, sa bête noire), avant de procéder à sa dissolution, quelques mois plus tard.
Bakary Fomba, journaliste