Réunis à Ouagadougou, dans la capitale du Bur- kina Faso, les 8 & 9 février 2023, les ministres des affaires étrangères du Mali, Abdoulaye DIOP, de la Guinée, Dr. Morissanda KOUYATE et du Faso, Mme Olivia Ragnaghnewendé ROUAMBA, ont publié un communiqué final dont la teneur semble dessiner les contours d’un nouveau front face à la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.)
Pourquoi le choix du Burkina Faso pour abriter ce mini-sommet ? Quels sont les atouts du Mali et de la Guinée dans cette concertation tripartite? Et enfin doit-on s’attendre à des transitions parties pour durer ?
Burkina Faso, terre de consensus…
Le choix porté sur la capitale Burkinabé pour abriter ce mini-sommet n’est pas fortuit. En effet, parmi les trois pays cités, le Burkina est celui qui bénéficie toujours de la « bienveillance » de la CEDEAO. Contrairement au Mali et à la Guinée dont les autorités sont à couteau tiré avec l’organisation sous régionale, le pays des hommes intègres est considéré comme le « chouchou ». Malgré deux coups d’Etat en huit mois, ce pays n’a jamais été sanctionné. Cette attitude plutôt conciliante met en exergue la politique à géométrie variable de la CEDEAO d’autant plus que comme le Burkina, le Mali est également frappé par l’hydre terroriste.
Néanmoins, dans un contexte marqué par des défiances entre d’une part, Bamako, Conakry et d’autre part la CEDEAO, le Faso apparait comme une terre de consensus. En effet, tenir un sommet à Ouagadougou donne un caractère plus diplomatique et moins frontal que si c’était à Bamako ou à Conakry car comme nous allons le voir plus tard, il n’est pas question de sortir de l’organisation sous régionale mais plutôt de se faire entendre par elle.
L’expérience malienne , un véritable atout…
Le Mali est le pays qui a ouvert le « bal » des récents Coup d’Etat dans l’espace CEDEAO. Et comme évoqué plus haut, c’est aussi le pays qui a eu des tensions fortes avec la CEDEAO en subissant des sanctions économiques lourdes pendant neuf mois.
C’est donc tout naturellement que le Mali soit le plus expérimenté en matière de gestion de tran- sition parmi les trois pays susmentionnés. Les nombreuses visites des plus hauts responsables de la Guinée et du Burkina Faso à Bamako témoignent de ce fait. Pas plus de dix jours, le premier ministre du Faso était en visite au bord du fleuve Djoliba pour bénéficier dit-il de l’expérience malienne. D’ailleurs nous pouvons constater les effets réels d’autant plus que comme le Mali, les autorités burkinabé ont sommé l’armée française de quitter leur territoire. Comme le Mali, le Burkina s’engage désormais à di- versifier ses partenaires. Il va sans dire donc que dans cette concertation tripartite, l’expérience malienne sera la boussole des actions annoncées en perspective.
La Guinée, gâtée par la nature…
Alors que le Faso et le Mali sont des pays conti- nentaux, en ce sens qu’ils n’ont pas de débouché sur la mer, la Guinée quant à elle est plutôt gâtée par la nature. Disposant d’un port autonome et des ressources naturelles, d’hydrocarbure, la place de la Guinée est centrale dans ce nouveau front qui se dessine. Ce pays peut tout simplement servir de pivot dans ce nouvel axe. Cela peut être une alter- native à d’éventuelles sanctions économiques de la CEDEAO. Cette perspective est développée dans la partie qui suit.
Des transitions parties pour durer ?
En lisant entre les lignes du communiqué final qui a sanctionné la fin des travaux du mini-sommet, on a comme l’impression que les autorités du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso s’apprêtent à un nouveau bras de fer avec la CEDEAO. Est-ce à dire que la du- rée des transitions dans les trois pays est susceptible d’être repoussée ? Tout en exprimant son adhésion aux objectifs et missions de la CEDEAO, la concertation tripartite se dit être « …engagée à répondre aux aspirations des populations des pays respectifs et à faire de l’axe Bamako-Conakry-Ouagadougou, un domaine stratégique et prioritaire.. » aux aspirations des populations des pays respectifs et à faire de l’axe Bamako-Conakry-Ouagadougou, un domaine stratégique et prioritaire… » Si une éventuelle sortie de la CEDEAO est écartée, du moins pour le moment, les trois pays semble être déterminés à se faire entendre en affirmant leur attachement aux principes de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats selon les propos du communiqué final. Ces éléments de langage pour- raient être une manière de préparer psychologique- ment l’opinion publique nationale et internationale à un éventuel glissement des calendriers électoraux. Des mesures concrètes sont annoncées en perspectives telles que : La nécessité de mettre en place et d’institutionnaliser un cadre permanent de concertations entre les trois pays ; La tenue de consultations politiques et diplomatiques au plus haut niveau afin de faire de ce partenariat Bamako-Ouagadougou-Conakry un axe gagnant pour le bien être des populations.
Tous les ingrédients sont réunis pour former un front uni face à la CEDEAO. Reste à voir si ces mesures seront traduites en actes concrets car en politique entre le dire et le faire, il y a hiatus.
Brehima SIDIBE, doctorant à CY Cergy Paris Université.