Tranchée depuis quelques peu dans certains pays ouest africains, l’influence de Paris sur ses anciennes colonies tangue encore sur les côtes de l’Algérie. La principale concurrente (Russie), veut, à défaut de booster complètement la France dehors comme ce fut le cas en Centrafrique et au Mali, se tailler la plus grande part de cet héritage colonial français.
Deux invitations aux enjeux géopolitiques majeurs
Après s’être rendu en Algérie en août 2022, le président français Emmanuel Macron a invité son homologue algérien en France dans le cadre d’une visite d’Etat.
Les deux chefs d’Etat, français algérien, lors d’un entretien téléphonique le dimanche, ont convenu de programmer cette « visite d’Etat » pour le mois de mai prochain, selon la présidence algérienne. Comme pour toujours marquer son influence, le président Russe Vladimir Poutine, lors d’un autre entretien téléphonique avec Abdelmadjid Tebboune, le mardi 31 janvier dernier, a lui aussi, décroché une visite de son homologue algérien sur son sol à Moscou le mois de mai prochain. On ne sait pas jusqu’ici, dans lequel des deux pays se rendra en premier le président Tebboune. Peu d’informations circulent par rapport à ces dossiers. Mais ce qui est sûr, l’allure à laquelle se sont fixées ces visites montre une fois de plus la place et la valeur géopolitique et géostratégique qu’à l’Algérie dans ce trio.
La place géostratégique importante de l’Algérie
L’Algérie, à travers le président Tebboune, partage, en plus des intérêts politiques et économiques, de liens profonds avec chacun de ces deux Etats. De ce fait, ces rencontres futures ne peuvent que se porter, à première vue, sur des sujets d’intérêts communs. Avec la Russe, les deux chefs d’Etat ont déjà évoqué des relations bilatérales et plus particulièrement, les horizons d’une coopération énergétique. Les présidents Tebboune et Poutine ont également discuté lors de leurs échanges, « de la prochaine réunion du grand comité mixte algéro-russe », qui se tiendra à cette occasion en mai, en Russie, même si aucune date exacte n’a été communiquée à cet effet. Par ailleurs, il faut noter que la coopération militaire ne sera pas en reste lors de cette visite, du fait qu’Alger et Moscou entretiennent des relations privilégiées de longue date en matière de défense et de sécurité. En 2021, les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint 3 milliards de dollars et ce, en dépit de la pandémie de Covid-19. Moscou reste à ce jour un important fournisseur d’armements à l’Algérie.Du côté de Paris, cette rencontre prévoit surtout, la question de poursuite du travail de mémoire et de réconciliation. En effet, dans un entretien avec l’écrivain algérien Kamel Daoud publié le 11 janvier par l’hebdomadaire Le Point, Emmanuel Macron a dit espérer accueillir Abdelmadjid Tebboune en France en 2023 pour poursuivre le travail de mémoire et de réconciliation entre les deux pays.
Fin décembre, Abdelmadjid Tebboune avait salué la nouvelle « relation de confiance » entre la France et l’Algérie, quatre mois après la visite à Alger d’Emmanuel Macron. Les deux chefs d’Etat avaient relancé leur coopération bilatérale dans une déclaration commune signée en grande pompe, fin août, ouvrant ainsi la voie à un assouplissement du régime de visas accordés à l’Algérie en échange d’une coopération accrue dans la lutte contre l’immigration illégale. Une question qui empoisonnait la relation bilatérale après que Paris ait divisé par deux, en automne 2021, le nombre de visas octroyés à l’Algérie, jugée pas assez prompte à réadmettre ses ressortissants expulsés de France. La question mémorielle autour de la colonisation française (1830-1962) et la sanglante guerre de libération (1954-1962) avaient d’ailleurs provoqué une grave brouille entre les deux pays à l’automne 2021. Par cette visite, nous estimons le renforcement des points qui fondent la relation bilatérale des deux pays, pourvu que Paris fasse, cette fois-ci, des concessions lors des discussions afin d’éviter de nouvelles brouilles avec l’Algérie, surtout dans les circonstances actuelles ou Moscou affirme de plus en plus sa position aux cotés d’Alger.
Il faut rappeler que ces rencontres interviennent dans un contexte de guerre entre la Russie et l’Ukraine qui bénéficie du soutien de la France et par ricochet, impacte sur la fourniture du gaz et du pétrole Russe. Paris devrait donc juger judicieux de maintenir de bonnes relations avec Alger qui n’est pas un moindre partenaire en ces temps de crise énergétique et sécuritaire dans le monde.
Kadiatou CAMARA